Dans une Afrique aux prises avec de multiples foyers de tension, la République démocratique du Congo (RDC) reste une plaie béante. Après l’échec patent de la médiation de Joao Lourenço, l’Union africaine (UA) a choisi la carte de la discrétion, en confiant les rênes de la médiation au président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé. Une nomination surprise qui fait renaître, chez certains, un mince espoir dans un conflit devenu presque endémique.

L’annonce, faite le dimanche 13 avril par le gouvernement togolais, marque un tournant dans la stratégie diplomatique de l’UA. Joao Lourenço, président angolais et médiateur sortant, n’aura pas ménagé ses efforts. Depuis 2022, il a tenté en vain de rapprocher Kinshasa et Kigali, dans un climat de méfiance exacerbée par les accusations de soutien rwandais au M23. À bout de souffle, son retrait en mars dernier a laissé un vide que l’organisation panafricaine ne pouvait ignorer.

Faure Gnassingbé, réputé pour sa retenue et sa diplomatie silencieuse, hérite d’une mission quasi-impossible : apaiser une guerre complexe, enracinée dans des décennies de tensions ethniques, de prédation des ressources naturelles, et de rivalités géopolitiques. Pourtant, ce choix pourrait se révéler stratégique.
Depuis son accession au pouvoir en 2005, Gnassingbé a su tisser des liens transversaux sur le continent, cultivant un profil de médiateur apaisant, loin des projecteurs. Il fut notamment actif dans plusieurs processus de dialogue en Afrique de l’Ouest, souvent à huis clos. C’est peut-être justement cette discrétion qui séduit : là où les approches tonitruantes ont échoué, une diplomatie de l’écoute pourrait ouvrir des brèches.

Mais les défis sont immenses. À l’est de la RDC, les affrontements s’intensifient, malgré la présence des forces régionales et des tentatives de cessez-le-feu. Les millions de déplacés, les victimes civiles et la désintégration progressive du tissu social alimentent un cycle infernal. La méfiance entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame est à son paroxysme.

Dans ce bourbier, Faure Gnassingbé devra composer avec les susceptibilités régionales, la fragmentation des groupes armés, l’échec de la force de la SADC et l’ambiguïté des grandes puissances. Il lui faudra aussi réactiver le cadre de Nairobi, marginalisé, et redonner souffle à l’Accord de Luanda, aujourd’hui moribond.
La route est sinueuse. Mais dans un continent fatigué des médiations sans lendemain, ce choix pourrait bien amorcer une nouvelle dynamique. Encore faudra-t-il que les parties prenantes y croient. Et que le silence de Faure devienne enfin une voix entendue.
Un pari audacieux pour une paix incertaine, mais nécessaire. https://www.rfi.fr/fr/afrique/20250406-est-de-la-rdc-l-union-africaine-propose-faure-gnassingb%C3%A9-comme-nouveau-m%C3%A9diateur