Libreville – Au lendemain de sa victoire lors de l’élection présidentielle démocratique du 12 avril 2025, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a lancé un message fort à l’endroit de la magistrature gabonaise, qui résonne déjà dans toute l’Afrique centrale : il est temps de tourner la page d’une justice importée, déconnectée, et souvent inadaptée aux réalités du continent.

Dans un discours ferme mais visionnaire, le nouveau président a interpellé les magistrats du pays en ces termes : « La loi n’est pas un outil figé, copié d’ailleurs et appliqué aveuglément. Elle doit refléter notre société, nos valeurs, notre histoire. Il nous faut une justice gabonaise, enracinée et juste. »
Un propos qui sonne comme un désaveu du modèle politico-juridique occidental dont les États africains, en héritiers contraints des indépendances précipitées, peinent encore à se défaire. En Afrique centrale, où le droit reste souvent un calque français ou belge, la fracture entre la loi et la société réelle est criante. Elle nourrit l’incompréhension, la méfiance envers les institutions, et par-dessus tout, l’impunité.
La promesse d’un nouveau pacte judiciaire

À travers cet appel aux magistrats à « se préparer à cet exercice », le président gabonais ne propose rien de moins qu’un aggiornamento judiciaire. Un aggiornamento africain. Il ne s’agit pas de rompre brutalement avec les principes universels de droit, mais de les revisiter à la lumière des spécificités culturelles, sociales et politiques du Gabon et, plus largement, du continent.
Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a bâti sa légitimité sur la rupture avec un demi-siècle de gouvernance patrimoniale, semble vouloir aller au bout de cette logique : démocratiser, c’est aussi rendre la justice intelligible, accessible, et surtout équitable au regard des réalités locales.
Vers une refondation panafricaine du droit ?

Cette orientation assumée ouvre une brèche. Elle rejoint les aspirations de plusieurs penseurs africains, de Cheikh Anta Diop à Achille Mbembe, qui appellent depuis des décennies à décoloniser les institutions. Le Gabon pourrait ainsi devenir le laboratoire d’un droit postcolonial africain, enraciné sans être replié, moderne sans être mimétique.
Dans une sous-région marquée par les tensions politiques, les blocages constitutionnels et les réformes de façade, l’exemple gabonais pourrait faire école. À condition, bien sûr, que l’ambition soit suivie d’effets concrets : réforme du code pénal, relecture de la Constitution, décentralisation des juridictions, renforcement de l’indépendance judiciaire.

Mais en politique comme en justice, les symboles comptent. Et cette parole présidentielle, lucide et audacieuse, pourrait bien marquer un tournant historique. Le Gabon de l’après-12 avril veut désormais écrire ses lois avec l’encre de sa réalité. https://depeches241.com/?p=23430