Un souffle diplomatique pour Bamako
Bamako, 18 avril 2025 – C’est une victoire silencieuse mais ô combien symbolique pour les autorités maliennes et, plus largement, pour les partisans de l’Alliance des États du Sahel (AES). Après des semaines de flou administratif, les chancelleries européennes viennent de trancher : les passeports maliens, nouvelle génération estampillée « AES », sont officiellement reconnus dans l’espace Schengen. Une reconnaissance diplomatique qui marque un tournant.
Une bataille de légitimité gagnée

Depuis leur mise en circulation en janvier 2025, ces passeports suscitent curiosité, critiques et interrogations. Fruit d’un effort concerté entre Bamako, Ouagadougou et Niamey, ils se veulent le symbole d’une souveraineté assumée, d’un panafricanisme revendiqué face aux anciens schémas postcoloniaux. Mais cette initiative audacieuse s’est heurtée à la réalité du droit international : aucune reconnaissance officielle n’avait été émise par les partenaires occidentaux.
C’est désormais chose faite. Selon des sources diplomatiques européennes concordantes, les ambassades de France, d’Allemagne, d’Espagne ou encore de Belgique ont reçu instruction de considérer ces documents comme valides. « Il ne s’agit pas de soutenir une orientation politique, mais de répondre à une exigence de mobilité et de légalité pour les ressortissants maliens », glisse un diplomate européen sous couvert d’anonymat.
Un coup de maître diplomatique pour l’AES

Pour les autorités de transition maliennes, cette reconnaissance n’est pas anodine. Elle vient conforter la légitimité de l’AES sur la scène internationale, alors même que plusieurs chancelleries rechignent encore à traiter directement avec ses dirigeants militaires. Le Premier ministre malien Choguel Maïga, dans une déclaration sobre, a salué « un geste de respect envers le peuple malien et sa souveraineté ».
Du côté de Ouagadougou et de Niamey, l’annonce est perçue comme une avancée stratégique. Ces deux capitales préparent également l’émission de passeports similaires. L’harmonisation des documents d’identité pourrait bien devenir la première pierre d’un véritable espace communautaire sahélien, fondé sur des valeurs de solidarité, d’indépendance et de refus du diktat occidental.
Les défis restent nombreux

Mais la route est encore longue. Sur le terrain, plusieurs ressortissants maliens ont rapporté des difficultés à franchir certaines frontières européennes, les agents frontaliers n’étant pas toujours informés de la nouvelle mesure. À cela s’ajoutent les critiques internes : certains opposants dénoncent un isolement diplomatique coûteux, masqué par des symboles.
Pour autant, cette reconnaissance des passeports AES par l’espace Schengen constitue une étape-clé dans la construction d’un projet politique inédit en Afrique de l’Ouest. Un signal que le monde observe désormais avec plus d’attention – entre scepticisme et fascination.