Par un regard critique et affûté – dans le style d’un grand reporter d’investigation
Paris – Libreville. Le sablier judiciaire s’accélère pour la famille Bongo. Alors que les Gabonais s’apprêtent à tourner une nouvelle page de leur histoire politique, un autre feuilleton, celui des « biens mal acquis » (BMA), refait surface avec une intensité inédite. Le 28 mars, la justice française a clos son enquête, entamée il y a quatorze ans, sur le train de vie fastueux de la famille de feu Omar Bongo Ondimba. Résultat : onze membres de la dynastie sont aujourd’hui mis en examen.
Une fin d’instruction qui en dit long

C’est une étape décisive dans l’une des affaires les plus symboliques de la lutte contre l’impunité des élites africaines. Selon nos informations, parmi les personnes poursuivies figurent de hauts profils, à l’instar de Pascaline Bongo, fille aînée de l’ancien président et pilier historique du pouvoir gabonais. Le spectre d’un procès retentissant se précise.
Des appartements haussmanniens aux villas sur la Côte d’Azur, en passant par les limousines de luxe, la justice française soupçonne ces membres de la famille Bongo d’avoir bâti un patrimoine considérable via des détournements de fonds publics. Le tout, dans un silence longtemps protégé par les liens franco-africains et l’opacité diplomatique.
Une onde de choc à Libreville

Cette avancée judiciaire tombe à un moment politiquement sensible. Le 12 avril, les Gabonais se rendront aux urnes pour élire un nouveau président, dans un contexte post-putsch où le régime de transition, incarné par Brice Clotaire Oligui Nguema, cherche à marquer une rupture avec les pratiques de l’ancien système. Le timing n’est donc pas anodin.
Dans les couloirs du Palais du Bord de mer, l’affaire est suivie avec une attention toute particulière. D’autant que cette procédure pourrait alimenter les discours des partisans de la transition, qui veulent inscrire la lutte contre la corruption au cœur du nouveau contrat social gabonais.
La fin d’un tabou judiciaire ?

Longtemps intouchable, la famille Bongo se retrouve donc face à un miroir dressé par la justice internationale. Si l’éventualité d’un procès en France se confirme, il pourrait faire jurisprudence et raviver le débat sur les responsabilités politiques, mais aussi morales, des anciennes familles dirigeantes africaines.
Mais la partie est loin d’être terminée. Les avocats de la famille Bongo dénoncent une « chasse aux sorcières politique » et promettent de faire appel. Les magistrats français, eux, avancent prudemment, conscients que derrière les noms, se cache une histoire lourde de quarante ans de pouvoir, d’allégeances croisées et de silence officiel.
Vers un procès historique ?

Le dossier est désormais entre les mains du Parquet national financier, qui devra décider de la tenue d’un procès. Si tel est le cas, il pourrait se dérouler dès 2026, mettant à nu un pan entier des pratiques politico-financières de la Françafrique.
En attendant, au Gabon, la famille Bongo continue de se replier sur elle-même, dans un silence troublant. Et les électeurs, eux, sont témoins d’un double procès : celui du passé, et celui de l’avenir.