Religion et Mobilisation Électorale au Cameroun

Contexte Historique et Politique
Depuis 1982, le Cameroun est dirigé par Paul Biya. La stabilité politique du pays, souvent qualifiée de précaire, est ponctuée par des critiques d’autoritarisme et de restrictions des libertés civiles. Dans ce cadre, la religion, en particulier le christianisme, a emprunté des chemins ambivalents. Elle a servi à la fois de soutien au régime et d’espace de contestation. Les récentes exhortations à la mobilisation électorale de la part de figures religieuses, notamment des évêques catholiques, illustrent cette dynamique complexe.
Les évêques, notamment ceux de Douala, Yagoua et Ngaoundéré, se sont exprimés de manière audacieuse, appelant la population camerounaise à s’engager en vue des élections de 2025. Ces prises de position marquent un tournant significatif dans l’engagement des institutions religieuses dans le débat public, susceptible d’influencer l’électorat.
Ce phénomène d’instrumentalisation de la religion dans le débat politique a des antécédents. Dans les années 1970, Mgr Albert Dongmo dénonçait déjà le régime d’Ahidjo, soulignant le potentiel de l’Église comme contre-pouvoir. Aujourd’hui, des voix telles que celle de l’Abbé Etienne Bakaba, appelant à un changement de président, affirment que l’ère de Paul Biya touche à sa fin.

Réactions et Mobilisation des Électeurs
Les réactions face aux déclarations religieuses se divisent. Une partie de la population soutient ces prises de position, les considérant essentielles face à la corruption et à la mauvaise gouvernance. Sur les réseaux sociaux, les messages de solidarité affluent, témoignant d’une réelle volonté de changement et d’une mobilisation fondée sur les valeurs morales que prône l’Église.
A contrario, les partisans du régime perçoivent ces interventions comme une menace à la séparation de la religion et de la politique. Le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, a défendu la démocratie camerounaise, clamant que chacun peut s’exprimer librement, tout en minimisant l’impact des critiques des leaders religieux. Cette tension entre liberté d’expression et ordre public cristallise les enjeux à l’approche des élections.
Les évêques, en exhortant à la mobilisation électorale, souhaitent encourager une participation civile active. Ils encouragent leurs fidèles à s’inscrire sur les listes électorales et à voter pour un changement, affirmant que la foi s’accompagne d’un engagement civique. Ce phénomène pourrait redéfinir le paysage électoral, intégrant des figures religieuses dans le processus politique et mobilisant des électeurs préoccupés par les valeurs religieuses.

Conséquences et Perspectives d’Avenir
Les élections présidentielles de 2025 représentent un défi crucial pour les institutions politiques face à cette instrumentalisation de la religion. Les déclarations des évêques et d’autres leaders religieux risquent d’influencer l’opinion publique et de redéfinir les alliances politiques. La candidature de Paul Biya, critiquée aussi bien par l’Église que par la société civile, pourrait s’avérer déterminante dans la mobilisation électorale.
Par ailleurs, des initiatives telles que celle de Célestin Djamen, qui prône l’ouverture des compétitions électorales à des hommes d’Église, pourraient favoriser une intégration des valeurs religieuses dans le processus électoral. Cela permettrait aux leaders religieux de jouer un rôle actif sur la scène politique.
À l’approche du scrutin, une question demeure : jusqu’où les institutions religieuses peuvent-elles influencer le débat politique sans compromettre leur intégrité ? La réponse à cette interrogation a le potentiel de façonner l’avenir politique du Cameroun. Elle décidera si la mobilisation des électeurs engendrera un changement authentique ou si elle ne sera qu’un reflet des luttes de pouvoir existantes.