samedi 24 mai 2025
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Histoire : Jean Hilaire Aubame, le Maire de Poto-Poto.

Dans les ruelles encore vibrantes du quartier de Poto-Poto, au cœur palpitant de Brazzaville, souffle un vent d’histoire que peu de passants entendent mais que les murs, eux, n’ont jamais cessé de murmurer. Ici, un nom flotte au-dessus des mémoires : Jean-Hilaire Aubame. Peu savent aujourd’hui qu’il fut le premier Africain élu maire dans toute l’Afrique équatoriale française. C’était en 1944, une époque où l’idée même de confier les rênes du pouvoir local à un Noir relevait presque de l’insolence coloniale.

Un parcours forgé dans l’ombre des missionnaires

Né le 10 novembre 1912 près de Libreville, Aubame n’était pas prédestiné aux ors de la République. Orphelin, élevé dans les rigueurs des missions catholiques de Donguila, il apprit très tôt la rigueur, la langue de l’autre et la patience. L’administration coloniale le repère : en 1931, il intègre les douanes à Libreville, puis gravite vers Bangui avant de s’imposer à Brazzaville en 1936 comme directeur des douanes.

Mais c’est la guerre qui révéla l’homme. Lorsque le Général de Gaulle lança son Appel du 18 juin 1940, Jean-Hilaire Aubame y répondit avec la force tranquille des convictions profondes. Rallié à la France libre, il servira d’intermédiaire entre les autorités gaullistes et les peuples de l’AEF, ce qui lui vaut l’estime du gouverneur Félix Éboué, visionnaire et rare blanc à croire au génie africain.

La conquête de Poto-Poto

Le 1er janvier 1944, sous les hourras d’une population longtemps exclue des urnes, Aubame devient président de la commission municipale de Poto-Poto. Premier maire africain de l’AEF, il administre ce quartier emblématique de Brazzaville jusqu’au 10 novembre 1946.

Poto-Poto, quartier mosaïque fondé en 1911, rassemblait des migrants venus de tout le continent : Dahoméens, Camerounais, Sénégalais, Bangalas, Bakongos Une Afrique miniature, une tour de Babel urbaine que Jean-Hilaire Aubame s’appliqua à fédérer avec une intelligence politique rare. Il y fit régner l’ordre, impulsa des projets sociaux et posa les bases d’une gouvernance de proximité. C’était plus qu’un mandat : c’était un acte de foi dans le destin africain.

Le militant, l’exilé, le martyr

Mais les combats d’Aubame ne s’arrêtèrent pas à Poto-Poto. En 1946, il est élu député du Gabon, fonde l’Union Démocratique et Sociale Gabonaise (UDSG) et devient l’un des visages les plus respectés de la politique gabonaise. Opposant farouche à Léon M’ba, il paya le prix de ses convictions : en 1964, brièvement porté au pouvoir lors d’un coup d’État, il sera renversé, condamné à dix ans de travaux forcés et exilé.

Il faudra attendre 1972 et l’amnistie d’Omar Bongo pour qu’il puisse respirer l’air libre de Libreville. Il meurt le 16 août 1989, presque oublié par l’histoire officielle.

Un héritage à réhabiliterAujourd’hui, la Maison Commune de Poto-Poto, bâtie en 1943 et toujours debout, se prépare à revivre. Un ambitieux projet de réhabilitation en pôle culturel et citoyen est en cours. Une façon, peut-être, de réinscrire Jean-Hilaire Aubame dans la mémoire vive de l’Afrique.

Car cet homme, avec la simple autorité de ses actes, a montré que l’Afrique n’était pas qu’un réservoir de bras, mais un vivier de gouvernants. Il fut un maire, oui. Mais il fut surtout un symbole : celui de la dignité reconquise.

Et dans chaque pierre de Poto-Poto, son ombre continue de veiller.

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