samedi 17 mai 2025
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Faits-divers : Quand les brouteurs roulent Jeune Afrique

Chronique d’une cyber-arnaque aux faux sentiments

Abidjan, Cotonou, Lagos – Les nouveaux visages de l’escroquerie numérique tissent leur toile sur les réseaux sociaux, en toute désinvolture. Cette fois, c’est l’un des piliers du journalisme panafricain, Jeune Afrique, qui s’est retrouvé dans les filets d’un brouteur. Le piège : un faux Emmanuel Adebayor.

Le décor est posé. Une notification Facebook surgit sur la page officielle de Jeune Afrique. Le message est sobre, presque solennel. Il provient d’un compte estampillé Emmanuel Adebayor. Le nom seul suffit à éveiller l’intérêt. L’ex-star du football togolais, figure respectée du continent, prétend vouloir “échanger” avec la rédaction. Curiosité journalistique oblige, les échanges s’enclenchent. Mais derrière le vernis du célèbre attaquant, se cache en réalité un jeune arnaqueur de la Côte ouest-africaine, maniant les ficelles d’une comédie bien rodée.

Le brouteur, un artisan du virtuel…

Le terme fait sourire autant qu’il inquiète. “Brouteur”, une expression née à Abidjan, désigne ces jeunes hackers de l’ombre qui, armés d’un smartphone et d’une connexion instable, transforment les réseaux sociaux en terrain de chasse. Le gibier ? Les cœurs solitaires, les âmes généreuses, ou, dans ce cas-ci, les rédactions crédules.

Ils se prénomment Idriss, Joël, ou Peter. Ils ont 19, 22, parfois 25 ans. Ils vivent à Yopougon, à Calavi ou dans les faubourgs de Lagos. Certains ont tout abandonné – études, rêves, familles – pour se consacrer corps et âme à l’arnaque sentimentale, au “scamming”, comme on dit là-bas. Et derrière chaque pseudo, c’est un théâtre de marionnettes digitales qui se joue : faux profils de stars, fausses ONG, fausses veuves d’hommes d’affaires défuntés, et même de prétendus footballeurs professionnels.

Jeune Afrique piégée : une leçon d’humilité numérique

En tombant dans les mailles du filet d’un brouteur, la rédaction de Jeune Afrique ne s’accuse pas de naïveté. Elle se positionne en observateur actif. Car pour comprendre, il faut parfois accepter de vivre l’expérience. En se laissant “arnaquer” volontairement, l’équipe a pu mieux cerner les rouages d’un système mafieux déguisé en conversation amicale. La finalité ? Un transfert d’argent “urgent”, un compte bloqué, une promesse d’entretien exclusif contre quelques centaines d’euros. Classique.

Mais l’intérêt va bien au-delà du canular. Il met en lumière l’ampleur d’une économie informelle redoutable. Selon certaines estimations, les brouteurs ouest-africains génèrent chaque année plusieurs centaines de millions d’euros. Des fortunes volatiles, rarement saisies, souvent blanchies, et qui échappent à tout contrôle fiscal ou judiciaire. Car comment poursuivre un visage sans nom, un compte Facebook qui disparaît aussi vite qu’il est apparu ?

Des cybercriminels à visage humain

Et pourtant, derrière le masque du brouteur, il y a des réalités sociales criantes. Le chômage des jeunes, l’absence de perspectives, les modèles de réussite flous et souvent déconnectés des efforts méritocratiques. Quand l’école ne nourrit plus, que l’État démissionne, que la société ne reconnaît que la réussite facile, l’arnaque devient, pour beaucoup, un “business” comme un autre. Immoral, certes, mais rentable.

La cybercriminalité en Afrique n’est plus un fait divers, c’est un symptôme. Celui d’un continent jeune, connecté, en quête de repères et de reconnaissance. L’affaire du faux Adebayor, loin d’être une simple anecdote, sonne comme une alarme. Il est urgent de penser des réponses éducatives, légales et sociales à ce fléau qui ternit l’image d’une jeunesse pourtant pleine de potentiel.

Et si la prochaine star du numérique africain n’était pas un brouteur, mais un créateur d’application ? Encore faut-il lui en donner les moyens.

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