Les problématiques foncières sont des enjeux majeurs à Madagascar. Selon les chiffres de la Banque Mondiale, près de 80% de la population vit en milieu rural où l’accès à la terre est vital, mais plus de la moitié des superficies agricoles reste sans titre de propriété. Aggravé par un contexte mondial incertain, la question d’une réforme foncière équitable et durable s’impose.
Le gouvernement malgache travaille depuis des années à structurer le secteur foncier, entamant dès 2005 une réforme foncière visant à sécuriser les droits des paysans sur leurs terres. Pourtant, la mise en œuvre de ces nouvelles réglementations a soulevé plusieurs défis.
D’abord, l’affirmation de l’État. Cette réforme foncière est, en effet, une opportunité pour l’État de Madagascar d’affirmer son autorité sur ses territoires. Les dispositions du Code Foncier promulgué en 2016 confèrent à l’État tous les droits sur les terres « non titrées ». Cependant, en pratique, l’État peine à gérer efficacement ces vastes étendues, où les conflits fonciers sont fréquents. Cette réalité met en lumière un paradoxe : malgré son besoin de contrôler le territoire, l’État se trouve souvent dépassé par l’ampleur du défi, notamment faute de moyens matériels et humains.
Par ailleurs, la sécurisation des terres paysannes reste une question sensible. Selon la FAO, plus de 70% des terres agricoles de Madagascar sont exploitées par des paysans qui pratiquent une agriculture de subsistance. Ces paysans, souvent démunis face aux procédures administratives, se trouvent ainsi à la merci des expropriations. La réforme foncière se présente donc comme un enjeu de protection des droits de ces agriculteurs, véritables piliers de l’économie rurale malgache.
Au-delà de ces défis de taille, la réforme foncière à Madagascar s’inscrit dans un contexte mondial marqué par des enjeux environnementaux et économiques pressants. La crise climatique, qui touche particulièrement le secteur agricole, impose à Madagascar de repenser sa gestion des terres. À cela s’ajoute la pression des investisseurs internationaux, attirés par l’immense potentiel agricole du pays.
Dans ce contexte, l’élaboration d’une politique foncière cohérente et équitable à Madagascar devient une nécessité impérieuse. En effet, elle est un levier d’émancipation économique pour les paysans ainsi qu’un outil de protection de l’environnement, grâce à une gestion durable des terres.
Pour avancer dans cette voie, un travail concerté entre l’État, les organisations paysannes et les partenaires internationaux est indispensable. La mise en place de Comités de Gestion Foncière (CGF) au niveau local pourrait notamment permettre d’associer davantage les paysans à la gouvernance des terres.
Dans cet équilibre précaire entre affirmation de l’État et protection des terres paysannes, la réforme foncière à Madagascar offre la promesse d’un développement plus inclusif et durable pour la Grande Île.