Parcours, montée en puissance et chute
Guillaume Soro est une figure politique et militaire emblématique en Côte d’Ivoire. Son parcours est marqué par son rôle central dans la crise ivoirienne, ses alliances fluctuantes, son exil et son isolement politique. Voici une analyse complète de son parcours.
Parcours et Montée en Puissance
Guillaume Kigbafori Soro est né le 8 mai 1972 à Ferkessédougou, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Issu d’une famille modeste, il fait ses études en Côte d’Ivoire et en France, où il s’engage dans des mouvements étudiants, notamment la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), dont il devient le secrétaire général en 1995. Ce poste lui permet de se faire connaître sur la scène nationale comme un jeune leader influent.
Trahison et Renversement d’Alliances
Soro entre véritablement dans l’arène politique ivoirienne lors de la crise de 2002. En tant que secrétaire général des Forces Nouvelles, un mouvement rebelle, il devient un acteur clé dans le conflit armé contre le régime de Laurent Gbagbo. En 2003, il signe les accords de Linas-Marcoussis, ce qui lui permet de devenir ministre d’État, ministre de la Communication, et plus tard Premier ministre dans le cadre du gouvernement d’union nationale.
Cependant, en 2010, lors de la crise post-électorale entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, Soro se range du côté de Ouattara. Cette décision est souvent perçue comme une trahison par les partisans de Gbagbo, surtout après avoir été un partenaire clé du président sortant pendant plusieurs années. Le soutien militaire et politique de Soro a été déterminant pour l’accession au pouvoir de Ouattara en 2011, après la capture de Gbagbo par les forces pro-Ouattara avec l’aide des troupes françaises et onusiennes.
Soutien à Ouattara et Relations Tendues
Durant les premières années du régime Ouattara, Soro est récompensé pour sa loyauté : il est nommé Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale en 2012. Cependant, ses ambitions personnelles commencent à créer des tensions. Soro aspire à la présidence, ce qui le met en concurrence directe avec le camp Ouattara, qui favorise l’émergence de nouveaux candidats.
En 2018, les relations entre Soro et Ouattara se détériorent de manière significative. Soro refuse de se plier aux stratégies du Rassemblement des Républicains (RDR) pour les élections de 2020, et les rumeurs de son projet présidentiel se renforcent. Cette période marque le début de son isolement politique.
Exil et Isolement Politique
En 2019, Soro démissionne de son poste de président de l’Assemblée nationale et quitte le RDR. En janvier 2020, alors qu’il tente de rentrer en Côte d’Ivoire après un séjour à l’étranger, un mandat d’arrêt est émis contre lui pour tentative de déstabilisation de l’État. Il choisit alors de rester en exil en Europe, où il continue de critiquer ouvertement le régime d’Alassane Ouattara.
Cette situation aggrave son isolement politique. Plusieurs de ses anciens alliés, y compris certains membres influents des Forces Nouvelles, se désolidarisent de lui, préférant rester proches du pouvoir ou adopter une position plus neutre.
Rejet des Alliances : Thiam et Gbagbo
En exil, Soro tente de bâtir des alliances avec d’autres opposants au régime d’Ouattara, notamment Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam. Cependant, ces efforts se soldent par des échecs.
Laurent Gbagbo : Depuis son retour en Côte d’Ivoire après son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), Gbagbo a adopté une stratégie prudente et refuse de s’allier ouvertement à Soro, qu’il perçoit comme un rival potentiel mais aussi comme un traître de la crise de 2010-2011.
Tidjane Thiam : Quant à Tidjane Thiam, ancien ministre et homme d’affaires de renommée internationale, il reste également à distance de Soro. Thiam cherche à construire une image de réformateur moderne, et s’allier à une figure aussi controversée que Soro pourrait ternir cette image.
Ces rejets accentuent l’isolement de Soro, qui se retrouve sans soutien significatif à l’intérieur du pays, malgré une base militante résiduelle.
Analyse et Perspectives
Guillaume Soro a connu une ascension rapide mais également une chute tout aussi brutale. Son parcours est le reflet de la complexité des alliances politiques en Côte d’Ivoire, où les fidélités sont souvent changeantes et dictées par les intérêts personnels ou de survie politique.
Son exil et son isolement rendent incertaine sa capacité à jouer un rôle majeur dans l’avenir politique ivoirien. En outre, le manque de soutien tant sur la scène nationale qu’internationale limite ses options. Son avenir dépendra de sa capacité à reconquérir une base politique solide, à rallier des soutiens de poids, et à naviguer dans un environnement politique ivoirien en constante évolution.
En conclusion, Guillaume Soro reste une figure incontournable de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, mais son avenir politique semble compromis à moins d’un retournement de situation exceptionnel.