Itinéraire d’un homme debout face à l’empire Bongo
Dans l’histoire politique gabonaise, il y a ceux qui suivent la marée et ceux qui bravent la tempête. Alexandre Barro Chambrier, dit ABC, appartient sans nul doute à cette seconde catégorie. Ancien ministre, ex-dignitaire du Parti Démocratique Gabonais (PDG), héritier d’un nom connu et respecté, il aurait pu, comme tant d’autres, choisir le confort du silence. Il a préféré la parole juste. Il aurait pu prolonger ses privilèges ; il a préféré s’en affranchir. Voici l’histoire d’un homme qui, au cœur de la machine Bongo, a trouvé la force de dire non.
Une jeunesse dorée, une ascension fulgurante

Fils d’un haut fonctionnaire de renom, Alexandre Barro Chambrier naît le 1er août 1958 à Paris, mais c’est à Libreville qu’il puise ses racines. Il bénéficie d’une éducation d’élite, poursuivant ses études à l’étranger, notamment à la prestigieuse École des Hautes Études Commerciales (HEC) de Paris, puis à la Sorbonne. Technocrate brillant, économiste respecté, il entre à la Banque Mondiale avant de revenir servir son pays.
Dans les années 2000, il fait son entrée au gouvernement gabonais. D’abord ministre délégué, puis titulaire, il occupe plusieurs portefeuilles : Économie, Pétrole, Mines. Homme de dossier, discret mais redoutablement efficace, il s’impose comme l’un des cerveaux de la galaxie Bongo. Mais en coulisses, le doute grandit. L’héritage démocratique promis tarde, les dérives se multiplient, et le régime se durcit.
Le grand saut : quitter le PDG, défier le clan

En 2015, c’est le point de bascule. Alexandre Barro Chambrier claque la porte du PDG. Un geste que peu osent dans une république où le pouvoir et les moyens de l’État s’entremêlent. Il fonde le Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM), un parti jeune, sans moyens, mais porté par une conviction : le Gabon mérite mieux que le règne sans partage d’une seule famille.Son engagement ne vacille pas. En 2016, il se range aux côtés de Jean Ping pour tenter de faire tomber Ali Bongo. Le régime réplique : surveillance, intimidations, marginalisation politique. Mais ABC reste debout. À chaque forum citoyen, il prend la parole ; à chaque mascarade électorale, il dénonce.
L’élection de 2023 : un engagement intact, jusqu’au bout

Malgré les risques, malgré les jeux d’alliances troubles, il se présente à la présidentielle de 2023. En face, un régime affaibli mais toujours prêt à tordre les règles. Barro Chambrier choisit de ne pas composer. Il refuse les arrangements douteux, rejette les offres de retour en grâce. Il ne veut pas de strapontin, il veut une alternance réelle.
Le 30 août 2023, un coup d’État militaire met fin au règne d’Ali Bongo. Le pays bascule, mais ABC garde sa ligne. Il ne verse pas dans l’euphorie aveugle. Il demande un retour à l’ordre constitutionnel, une transition crédible et inclusive. Fidèle à ses principes, il continue d’incarner une opposition exigeante, mais patriotique.
Un opposant aux mains propres, un patriote sincère

Dans un paysage politique gabonais souvent miné par les revirements et les ambitions personnelles, Alexandre Barro Chambrier est de ceux qui ne se sont pas reniés. Son combat est celui de la rigueur, de la justice, de la liberté. Il a renoncé à l’aisance du pouvoir pour embrasser l’austérité du militantisme.
À travers son courage, sa constance et sa parole rare mais pesée, il incarne l’image d’un Gabon qui veut se relever, se réconcilier avec lui-même, loin des compromissions. L’histoire retiendra qu’il a été de ceux qui n’ont pas attendu que le régime tombe pour oser dire non.Alexandre Barro Chambrier, c’est le pari de la droiture dans un monde tordu. Et pour beaucoup, c’est déjà une victoire.