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Le « Make noise » a payé : Ali Bongo et les siens à Luanda

Dans la nuit du 15 au 16 mai 2025, Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia Bongo Ondimba, et leur fils Noureddine Bongo Valentin ont quitté Libreville à destination de Luanda, en Angola. Ce départ hautement symbolique est l’aboutissement d’une médiation diplomatique menée par le président angolais João Lourenço, représentant également les intérêts de l’Union africaine. Ce dernier s’est déplacé à Libreville le 12 mai pour rencontrer d’abord le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema, puis Ali Bongo Ondimba et sa famille. C’est à cette occasion qu’une offre claire d’exil politique à Luanda leur a été proposée.

Une proximité ancienne et stratégique

Le président angolais et l’ancien chef d’État gabonais entretiennent depuis plusieurs années des relations personnelles et politiques étroites. Partenaires économiques dans plusieurs secteurs discrets, ils partagent une conception pragmatique du pouvoir, centrée sur la stabilité autoritaire, les réseaux d’influence et la gestion patrimoniale des États.

Il faut rappeler qu’au lendemain du coup d’État du 30 août 2023, João Lourenço s’était initialement positionné parmi les rares chefs d’État africains à plaider, en coulisses, pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Il aurait, selon plusieurs sources diplomatiques crédibles, exercé des pressions au sein de l’Union africaine pour tenter d’obtenir des sanctions contre le Gabon, et même exploré la possibilité d’un retour au pouvoir d’Ali Bongo.

Ce projet s’est heurté au réalisme régional et à l’enracinement rapide du CTRI dans les sphères de pouvoir gabonaises. Loin de se crisper, Lourenço a alors opté pour une approche plus stratégique : négocier une sortie honorable pour son vieil allié, tout en assurant ses propres intérêts économiques au Gabon.

Une décision politique assumée

Depuis son investiture le 3 mai 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema est le chef de l’État légal et légitime du Gabon. Son choix d’autoriser le départ de la famille Bongo, encadré par une médiation étrangère, s’inscrit dans une logique de stabilité et de diplomatie régionale. La levée récente de la suspension du Gabon par l’Union africaine valide cette stratégie.

Sylvia et Noureddine Bongo faisaient l’objet de poursuites judiciaires pour détournement massif de fonds publics, blanchiment et corruption. Leur libération et leur exil ont été présentés comme une solution diplomatique, et non comme une amnistie. Ils restent justiciables, mais hors du territoire gabonais, et sous la protection discrète de Luanda.

Dans une conférence de presse tenue ce jeudi 16 mai en fin de matinée, le procureur général près la Cour d’appel judiciaire de Libreville, Eddy Minang, est revenu sur les circonstances de la mise en liberté provisoire de Sylvia Bongo Ondimba et de Noureddine Bongo Valentin. Il a précisé que cette décision, prise le 14 mai par la Première chambre d’accusation spécialisée de Libreville, repose sur des raisons médicales. Des certificats médicaux, émis par le médecin-chef de la prison centrale et le médecin général Jean-Raymond Nzenze de l’Hôpital d’instruction des armées Omar Bongo Ondimba, ont attesté de l’incompatibilité de leur état de santé avec la détention carcérale. L’Agence judiciaire de l’État, saisie par le parquet, a déclaré ne pas s’opposer à la demande de mise en liberté pour des raisons humanitaires. Le procureur a souligné que cette mesure s’inscrit dans le strict respect des articles 132 et 143 du Code de procédure pénale, rappelant que « la liberté est le principe et la détention, l’exception ».

Contrairement à Ali Bongo Ondimba, qui avait maintenu en détention, parfois dans des conditions dégradantes, plusieurs prisonniers politiques et d’opinion – à l’image de Brice Laccruche Alihanga ou encore Jean-Rémi Yama, et ce malgré l’état de santé critique de ces derniers – le président Oligui Nguema adopte une approche plus humaniste, respectueuse du droit et des considérations humanitaires. Sa décision marque une rupture claire avec les pratiques de l’ancien régime.

Réactions d’un peuple divisé

Cette décision a provoqué des réactions contrastées dans la population :> « Leur simple présence à Libreville était une menace. Ce départ est un soulagement national. » – Pierre L., employé du secteur pétrolier.> « On ne veut pas d’un feuilleton judiciaire sans fin. Le pays doit avancer. » – Sylvie E., commerçante à Bitam.Mais pour d’autres, cette sortie négociée s’apparente à une trahison :

« C’est un marché honteux. Ils ont pillé le pays, et on les laisse partir en jet privé. » – Éric D., étudiant en droit.> « Si le président Oligui veut rester crédible, il doit garantir que ce départ ne signifie pas l’oubli. » – Léontine M., enseignante retraitée.

Un parallèle troublant avec Kelly Ondo Obiang

Cette affaire a également ravivé un débat de fond au sein de la société gabonaise : celui du traitement inégal des figures politiques opposées au régime Bongo. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur le sort réservé à Kelly Ondo Obiang, ancien commandant de la Garde républicaine, qui avait mené une tentative de coup d’État en janvier 2019. Comme le putsch de 2023, son action avait été justifiée par une volonté de mettre fin à une gouvernance opaque et clanique. Pourtant, à l’époque, son initiative avait été violemment réprimée, et lui-même rapidement neutralisé, emprisonné et oublié par l’histoire officielle.

« Kelly Ondo avait dit la même chose en 2019. Il est en prison, et ceux qu’il accusait s’envolent en paix. Où est la justice ? » – Alain M., enseignant à Ntoum.> « Deux poids, deux mesures. Si on parle d’humanisme et de réconciliation, alors qu’en est-il de Kelly Ondo ? » – Mireille N., fonctionnaire à Franceville.

Le silence autour de son sort suscite un malaise grandissant dans l’opinion publique, mettant en lumière l’exigence d’un traitement équitable pour tous ceux qui, à tort ou à raison, se sont opposés au régime Bongo.

Une stabilisation sous condition

Ce compromis n’éteint pas les exigences de justice. Il ouvre une nouvelle phase, où la consolidation du pouvoir d’Oligui Nguema devra s’accompagner d’actes forts contre l’impunité, et d’une transparence accrue dans les affaires publiques. La transition s’est officiellement refermée, mais la reconstruction institutionnelle reste à l’épreuve.

L’Angola, en accueillant la famille Bongo, devient un acteur incontournable dans l’équilibre post-transition au Gabon. Mais il appartient désormais aux Gabonais d’écrire leur avenir — avec lucidité, sans se laisser détourner par les manœuvres diplomatiques qui, si elles stabilisent à court terme, n’exonèrent jamais les responsabilités historiques. https://www.jeuneafrique.com/1688464/politique/libres-ali-sylvia-et-noureddin-bongo-ont-atterri-en-angola/

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