Symbole jadis porteur d’espoir pour la culture bantoue, le Centre International des Civilisations Bantu (CICIBA), situé à Libreville, est aujourd’hui l’illustration douloureuse d’un échec continental. Quarante ans après son lancement en grande pompe par feu le président Omar Bongo Ondimba, l’ambitieux projet culturel est devenu un chantier inachevé, colonisé par le silence de l’ouble et par des centaines de squatteurs.
Conçu comme un haut lieu de rayonnement des peuples bantu, avec un théâtre international, des musées, une bibliothèque et une architecture fortement symbolique notamment l’enfilade d’éléphants en béton, le CICIBA devait incarner la renaissance d’une identité commune. Onze pays africains y avaient cru. Mais la réalité a très vite rattrapé l’utopie. Dès la fin des années 1980, le site est laissé à l’abandon. Pire, il devient progressivement un refuge précaire pour des familles en quête de toit.

Aujourd’hui, ce n’est plus un centre culturel : c’est un ghetto improvisé, une zone d’occupation anarchique où les conditions de vie frôlent l’indécence. Pas d’eau courante, pas d’électricité régulière, pas de sécurité. Les enfants y grandissent dans les ruines d’un rêve enterré, tandis que les autorités ferment les yeux. Les murs autrefois pensés pour exposer des trésors civilisationnels servent désormais d’appuis à des bâches, des cloisons de fortune, ou des graffitis désespérés.
Les tentatives timides de relancer le CICIBA notamment une initiative culturelle citoyenne en 2016 n’ont eu qu’un impact symbolique. Aucune volonté politique sérieuse n’est venue redonner souffle à ce site stratégique. Et pendant que les discours officiels louent la valorisation du patrimoine et le retour aux sources, le CICIBA se meurt sous les squats, dans l’indifférence généralisée.
Comment accepter qu’un tel projet, censé rassembler les peuples autour d’un socle historique commun, soit ainsi abandonné aux marges de la société ? Où sont les États fondateurs ? Où sont les ministres de la Culture, les universitaires, les intellectuels africains ? Le CICIBA aurait pu être le point d’ancrage d’une diplomatie culturelle forte. Il n’est plus aujourd’hui que le décor tragique d’une faillite collective.
Il est temps d’exiger des réponses. Et surtout, des actes. Le CICIBA ne doit pas rester une ruine historique occupée : il doit redevenir ce qu’il a été conçu pour être le sanctuaire vivant de la mémoire bantoue.https://www.voaafrique.com/a/abandonn%C3%A9-le-centre-des-civilisations-bantou-d%C3%A9sormais-squatt%C3%A9-par-des-librevillois-/6336403.html