Deux capitales, un même cœur, une histoire déchirée par les égos, les héritages et les rancœurs d’un autre temps. Après des années de glaciation diplomatique, le Gabon et la République du Congo de Denis Sassou Nguesso semblent enfin vouloir refermer un chapitre douloureux, vieux de près de quinze ans. Une renaissance discrète mais significative, amorcée depuis la chute d’Ali Bongo Ondimba.

Car si les peuples sont frères de sang et d’histoire – partageant langues, traditions et ancêtres d’un même fleuve –, la politique, elle, a longtemps dressé des murs là où les ancêtres avaient bâti des ponts. À l’origine de cette brouille ? Le décès, le 8 juin 2009 à Barcelone, de l’inamovible patriarche Omar Bongo Ondimba, artisan d’une diplomatie subtile entre Brazzaville et Libreville. Sa disparition a été l’étincelle d’une discorde familiale devenue crise d’État.

À peine enterrée, la première Dame du Gabon, feue Edith Lucie Bongo, fille de Denis Sassou Nguesso, laissa derrière elle des enfants que le clan Bongo – celui d’Ali – s’est empressé d’écarter. Le plus emblématique, Omar Denis Junior Bongo Ondimba, héritier de deux puissances, en a fait les frais : persona non grata en terre paternelle, interdit même de deuil pour son oncle Fidèle Andjoua Ondimba, par la volonté d’un frère devenu roi et d’une belle-sœur , Sylvia à l’ombre tentaculaire.

Ainsi, le Gabon d’Ali Bongo a tourné le dos à une part de lui-même, sacrifiant la continuité des liens historiques sur l’autel des rivalités de palais. Mais les vents changent. Depuis le 30 août 2023, le retour à une transition politique menée par le Général Brice Clotaire Oligui Nguema qui a prêté serment hier 3 mai après une victoire écrasante et démocratique à l’élection présidentielle du 12 Avril dernier semble rouvrir les portes de la fraternité.
Des signaux faibles mais forts : échanges diplomatiques relancés, déclarations apaisées, et dans les coulisses, la possible réhabilitation des oubliés de la République. Le Congo observe, tend la main, prêt à effacer l’affront, si le Gabon renoue avec son âme.
Et demain ?

Demain, ce sont deux pays au destin tressé par l’histoire qui peuvent redevenir les piliers d’une Afrique centrale apaisée, coopérante et souveraine. Demain, ce sont les jeunesses gabonaise et congolaise qui peuvent espérer un avenir sans frontières, où la mémoire des anciens guide la réconciliation des vivants. Demain, ce sont des peuples qui se regardent non plus comme rivaux blessés, mais comme frères retrouvés. Le pardon n’est jamais faiblesse, et la paix, toujours une victoire.