samedi 14 juin 2025
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Gabon : quand chaque nouveau chef freine l’administration

Le Gabon s’est engagé sur le chemin du changement. Pourtant, derrière les discours de transformation, l’administration continue de fonctionner à reculons. À chaque nomination d’un nouveau ministre, directeur général ou chef de département, c’est le même scénario : les dossiers sont mis sous silence, les anciens techniciens écartés, les décisions prises sans mémoire ni continuité.

Et pendant ce temps, les projets présidentiels piétinent.

Quand le passé est effacé, le présent devient aveugle

À l’heure où l’État tente de redonner confiance à ses citoyens et de rétablir son autorité, l’attitude de nombreux hauts responsables interroge. La priorité n’est plus à l’efficacité, mais à la rupture systématique avec les équipes précédentes. Les techniciens compétents, souvent porteurs de la mémoire des projets, sont mis à l’écart au profit de nouveaux collaborateurs sans véritable connaissance des chantiers en cours.

Cette pratique, devenue presque une norme, met à mal la continuité administrative, pourtant indispensable à la bonne marche de l’État. Les projets s’enlisent. Les instructions présidentielles perdent leur force d’exécution. Les populations, elles, attendent… sans réponse.

Le cas embarrassant de Plaine Orety : un ministre sans dossier

L’exemple du ministre du Logement, Ludovic MEGNE NDONG, illustre tristement cette réalité. Interpellé à plusieurs reprises sur la situation des déguerpis de Plaine Orety, il se trouve dans l’incapacité de fournir des informations précises. Pourquoi ? Parce que la liste officielle des déguerpis ne se trouve même pas dans son ministère.

Selon le ministre, seul l’huissier maître Benga détiendrait la liste, comme s’il s’agissait d’un document privé. Ce dysfonctionnement démontre un profond malaise : le ministre ne maîtrise pas ses propres dossiers, faute d’avoir pris le relais des équipes ou d’avoir organisé une véritable passation de charges. Et dans cette affaire sensible, qui touche à la dignité humaine, le silence de l’administration devient un mépris pour les victimes.

Un sabotage involontaire des projets présidentiels

Ce chaos administratif affecte directement les ambitions du Président de la République. Depuis la Transition, plusieurs programmes d’urgence et de relance ont été lancés. Mais les blocages techniques, les erreurs de débutants et les querelles internes freinent la mise en œuvre des décisions les plus cruciales.

Comment un président peut-il réussir s’il n’est pas relayé par une administration stable, outillée et responsable ?

Repenser l’État : quelques pistes urgentes

Pour sortir de cette spirale, il faut rompre avec la culture du pouvoir personnel et réhabiliter la logique de service public :

Imposer des passations de service transparentes et documentées, avec signature obligatoire de rapports techniques.

Créer un registre national des projets en cours, accessible aux nouveaux promus afin qu’aucun dossier ne disparaisse.

Sanctuariser les cadres techniques clés, qui doivent rester au-delà des changements politiques.

Former chaque nouveau responsable à la gestion de la continuité administrative, car un bon dirigeant ne commence jamais sans comprendre ce qui a été fait avant lui.

Exiger des ministres la reddition périodique de comptes sur l’état d’avancement des instructions présidentielles.

Le Gabon ne manque ni d’idées, ni de volontés. Mais il lui manque un État qui fonctionne même quand les visages changent. Tant que chaque nouveau responsable s’imaginera devoir tout réinventer pour marquer son passage, le pays tournera en rond. Et les grandes ambitions du Président resteront lettre morte, piégées dans les tiroirs d’une administration sans mémoire.

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