samedi 14 juin 2025
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Gabon-Plaine-Orety : colère sourde ou incompréhension ?

Depuis plusieurs jours, les maisons tremblent à Plaine-Orety. Non pas sous l’effet d’un séisme, mais d’une onde de choc sociale que nul ne semble vouloir contenir. Ce quartier populaire du cœur de Libreville vit sous la menace d’un déguerpissement imposé au nom de la « modernisation de l’administration gabonaise ». Mais dans les ruelles de sable et les concessions encerclées de tôles rouillées, c’est une autre vérité qui s’écrit : celle d’hommes et de femmes suspendus à une injonction d’État, sans relogement clair, sans indemnisation tangible, sans voix.

Un rêve d’ordre administratif, un cauchemar populaire

En janvier 2024, le gouvernement de transition, conduit par le CTRI, déclarait d’utilité publique un vaste périmètre situé à Plaine-Orety. L’objectif ? Y bâtir une Cité administrative moderne, destinée à regrouper les services publics de la capitale. Objectif affiché : mettre fin à une gabegie de 22 milliards FCFA par an en loyers. L’ambition est louable. La méthode, elle, fait grincer les tôles.

Derrière l’écran lisse des PowerPoint gouvernementaux, un drame social se noue. Les résidents, pour la plupart installés depuis des décennies, vivent dans l’incertitude totale. “Nous avons été recensés il y a dix ans. On nous a promis des indemnisations. Mais jusqu’à aujourd’hui, rien !” s’indigne un habitant, reçu lors d’une réunion improvisée sur un terrain vague.

Des promesses sans trace

Selon nos enquêtes, aucune transparence n’accompagne les promesses d’indemnisation. Aucun document officiel, aucun barème de compensation, aucune échéance connue. “Le Premier ministre de transition nous disait que les indemnisations avaient commencé. Mais nous, sur le terrain, on n’a ni reçu de visite, ni signé de papier”, confie une mère de famille, désespérée à l’idée de voir sa maison rasée sans solution alternative.

La vérité selon l’administration est que les dédommagements ont bel et bien eut lieu mais certains compatriotes ne sont simplement pas honnêtes.

Plus grave encore : depuis mars, plusieurs familles ont été assignées en justice, convoquées devant le tribunal de Libreville pour des audiences prévues en août. “Comment peut-on parler de concertation, alors qu’on nous attaque déjà par la voie judiciaire ?”, s’interroge un vieil homme, sa convocation à la main.

Une population mobilisée, mais impuissante

À Plaine-Orety, la résistance s’organise dans le calme mais la peur. Assemblées de quartier, lettres ouvertes, mobilisation des anciens… tout y passe. Mais le silence des autorités locales renforce l’angoisse. Même les commerçants du petit marché « Derrière l’Assemblée », jadis relogés de force depuis le Boul’Bess, redoutent une nouvelle expulsion sans préavis. “Je vis du poisson braisé. Si on me chasse encore, j’ai fini”, murmure une vendeuse, le regard vide.

Une question de dignité

Ce n’est pas tant le projet qui est remis en cause, mais sa mise en œuvre. “Nous ne sommes pas contre l’État, ni contre la modernisation. Mais pourquoi faudrait-il qu’elle se fasse contre nous, et non avec nous ?”, résume un leader communautaire, la voix tremblante. Le contraste entre le discours officiel et la réalité des ruelles de Libreville est saisissant. D’un côté, des maquettes lumineuses et des communiqués léchés. De l’autre, des familles entières dormant sous la peur, prêtes à tout pour conserver leur dignité.

À quand un urbanisme à visage humain ?

Le Gabon est à un tournant de son histoire. Depuis la transition ouverte le 30 août 2023 et qui s’est achevée à la suite de l’élection du nouveau Président de la République S.e Brice Clotaire Oligui Nguema, les attentes sont immenses, les espoirs aussi. Mais aucun projet, fut-il prestigieux, ne peut se bâtir sur des larmes et du silence. Il est encore temps d’écouter. Il est encore temps de construire autrement.

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