samedi 24 mai 2025
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Gabon : Oligui Nguema, du militaire au président élu

Un serment pour la renaissance

Un serment, une promesse, une refondation. Ce samedi 3 mai solennel, dans une atmosphère chargée d’émotion et d’histoire, Brice Clotaire Oligui Nguema est officiellement devenu le Président de la République élu du Gabon. Dans un discours minutieusement calibré, mêlant foi, gratitude, fermeté et visions d’avenir, le désormais chef de l’État élu a livré bien plus qu’un simple discours inaugural : il a dessiné la matrice de ce qu’il veut incarner – le bâtisseur d’une Ve République qu’il appelle « juste, participative et exemplaire ».

Un discours de rupture, un ton d’unité

Dès les premiers mots, le président élu a donné le ton : « Celui qui s’adresse à vous ne célèbre ni sa victoire, ni celle d’un parti, ni celle d’une ethnie. Il souhaite rendre hommage à la renaissance d’une nation. » En plaçant l’intérêt collectif au-dessus de sa personne, Oligui Nguema s’écarte de la rhétorique triomphaliste habituelle des prises de pouvoir africaines. Il prend à contre-pied l’héritage clientéliste qui a longtemps miné la politique gabonaise.

Ce positionnement de rassembleur est constant tout au long de son allocution. Il ne s’adresse pas seulement aux Gabonais de l’intérieur, mais aussi à ceux de la diaspora. Il ne parle pas que de pouvoir, mais de « service », de « protection » et d’ »union ».

Un serment ancré dans la foi et l’héritage

Dans une rare intensité spirituelle, Brice Oligui invoque Dieu avec insistance : « À Dieu ! Oui, à Dieu ! », clamant sa volonté de gouverner avec sagesse. L’écho religieux n’est pas anodin dans une société gabonaise où les références spirituelles ont une valeur symbolique forte, souvent en miroir des attentes éthiques et morales du peuple.

Il inscrit aussi son mandat dans la continuité des pères fondateurs, convoquant la mémoire nationale et ravivant une histoire parfois éclipsée par les décennies Bongo. Ce geste d’humilité politique vise à apaiser les clivages et à asseoir sa légitimité sur un socle plus profond que le seul vote du 12 avril.

La légitimité du peuple comme colonne vertébrale

Le chiffre est répété avec insistance : 94,85 %. Cette donnée électorale, reflet d’un plébiscite, est brandie comme une légitimité indiscutable. Mais Oligui va plus loin : il ne s’appuie pas sur ce score pour imposer une autorité. Il en fait le socle d’un contrat social : « Vous m’avez conféré une légitimité sacrée… Chaque voix compte. » Il introduit ici une lecture démocratique exigeante de son mandat.

L’écho aux transitions africaines – parfois confisquées par la force ou par le flou constitutionnel – est net : Oligui veut démontrer que le Gabon est revenu dans le giron des démocraties formelles, avec un cap clair vers l’institutionnalisation.

Un calendrier républicain inédit et millimétré

Jamais un chef d’État africain n’a détaillé avec autant de rigueur, lors de sa prise de fonction, le calendrier institutionnel de la République à venir. L’organisation des élections législatives, locales, sénatoriales, la réinstallation du CESEC, la prestation de serment des juges constitutionnels : chaque date est posée, inscrite, solennelle.

Ce passage méthodique est un signal fort à la communauté internationale et au peuple gabonais : le temps des arrangements opaques est révolu. C’est aussi une réponse directe aux critiques formulées par certains analystes à l’égard des transitions militaires prolongées ailleurs sur le continent.

Justice, administration, lutte contre les démons de l’ancien système

Le cœur de la Ve République qu’Oligui veut incarner, c’est la justice. Et sa déclaration est sans équivoque : « La justice élève une nation. » Il condamne sans détour l’impunité, la corruption, le laxisme, des maux devenus systémiques au Gabon post-indépendance.

Il trace un horizon d’exigence : une administration performante, un État de droit respecté, et une fonction publique débarrassée de l’oisiveté. Là encore, la rupture est marquée avec les anciens régimes où la fonction publique était davantage perçue comme un privilège que comme un service.

Le social et l’économie : un pacte de transformation

Le président élu reconnaît frontalement les défis sociaux : santé, éducation, emploi, énergie. Il sait où le bât blesse. Mais il va au-delà du constat. Il lie ses promesses à une réforme structurelle de l’économie : transformation des matières premières, industrialisation, infrastructures. C’est le retour du « Gabon des chantiers », mais sans les fastes ni les illusions.

Sa promesse de créer de l’emploi en transformant l’économie est une ambition audacieuse dans un contexte régional difficile. Elle rappelle les engagements d’autres réformateurs africains comme le Ghanéen Nana Akufo-Addo ou le Rwandais Paul Kagame.

Une diplomatie assumée et réaffirmée

Le retour du Gabon dans l’Union africaine est brandi comme une victoire. Il ne s’agit pas seulement d’un retour symbolique, mais d’un réengagement stratégique. Le Gabon veut redevenir un acteur majeur sur la scène continentale, comme il l’était dans les années 1970.

Les annonces sur les futurs sommets de l’Union africaine et de la Francophonie ne sont pas anodines : elles traduisent une volonté de repositionnement diplomatique. Libreville veut redevenir une capitale africaine qui compte, un centre névralgique du dialogue multilatéral.

Le 30 août, une fête tournante : le symbole de la décentralisation

Transformer la fête de la Libération en un événement tournant à travers les provinces est une trouvaille politique brillante. Elle matérialise la volonté de décentralisation et d’équité territoriale. Mais elle est aussi hautement symbolique : elle donne une chair concrète à la rupture d’avec le centralisme stérile de l’ancien régime.

Conclusion : un discours de président, un manifeste de refondateur

Brice Clotaire Oligui Nguema a prononcé le 3 mai 2025 un discours historique. Il a su conjuguer les attentes populaires, les exigences internationales et les leçons de l’Histoire. Ni populiste, ni technocratique, son propos fut celui d’un homme qui sait que l’espérance seule ne suffit pas, mais qu’elle est indispensable pour amorcer un cycle vertueux.

Le chantier est immense. Le pari est risqué. Mais le ton, l’engagement et le cap fixés laissent entrevoir une réelle volonté de changement. À présent, la parole présidentielle devra se traduire en actes. Et c’est là que l’Histoire jugera.

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