Autocensure et médias au Cameroun

Un climat de peur et de répression
Le paysage médiatique camerounais est dominé par un climat de peur qui étouffe la liberté d’expression. D’après le dernier rapport de Reporters sans frontières (RSF) daté du 2 mai 2025, le Cameroun occupe le 131e rang sur 180 en termes de liberté de la presse. Ce chiffre souligne le danger que représente ce pays pour les journalistes. La répression des voix critiques est systématique, exposant les professionnels des médias aux menaces, au harcèlement et aux arrestations pour aborder des sujets sensibles.
Cette atmosphère de répression a des effets tangibles sur le fonctionnement des médias. Les journalistes, particulièrement ceux des médias privés, se trouvent dans une situation délicate où leur indépendance est mise à mal. Ils doivent évoluer dans un environnement où critiquer le gouvernement peut entraîner de graves conséquences. Cette réalité les pousse souvent à adopter une ligne éditoriale qui coïncide avec les attentes des autorités.
Les répercussions de cette autocensure sont considérables. Les médias, au lieu d’exercer une fonction de contre-pouvoir, deviennent des relais de propagande. Ce phénomène nuit à la qualité de l’information et érode les fondements mêmes de la démocratie. Les citoyens sont ainsi privés d’une diversité d’opinions et d’une critique constructive.

Les mécanismes de l’autocensure
Au Cameroun, l’autocensure ne découle pas uniquement de la peur des représailles physiques. Elle se nourrit également de mécanismes psychologiques et institutionnels. Conscients des dangers qui les guettent, de nombreux journalistes choisissent de ne pas traiter certains sujets, même d’intérêt public. Les thèmes tels que la corruption, les violations des droits de l’homme ou les abus de pouvoir sont ainsi souvent délaissés.
Cette autocensure est renforcée par des conditions de travail précaires. Les journalistes, souvent sous-payés et manquant de ressources, hésitent à mener des enquêtes approfondies. La peur de perdre leur emploi ou de subir des sanctions devient alors un facteur décisif dans leur prise de décision. En quête de survie économique, les médias privilégient souvent la conformité aux attentes gouvernementales au détriment de la vérité.
Des experts en communication et en droits de l’homme signalent qu’une dynamique de cercle vicieux se met en place. Moins les journalistes s’expriment librement, plus la population est désinformée, renforçant ainsi le pouvoir en place. Cette autocensure est non seulement un problème personnel pour les journalistes, mais aussi un défi collectif pour la société camerounaise.

Conséquences sur la société et la démocratie
Les effets de l’autocensure sur le paysage médiatique camerounais sont préoccupants et affectent l’ensemble de la société. En freinant l’accès à une information critique et variée, les médias participent à la désinformation et à l’ignorance des citoyens sur des sujets essentiels. Cette situation impacte directement la capacité des citoyens à exercer un choix éclairé et à s’engager dans la vie démocratique.
De surcroît, l’absence de débats publics sur des questions sensibles empêche l’émergence d’une société civile forte et impliquée. Privés d’informations fiables, les citoyens se montrent moins enclins à contester les abus de pouvoir ou à revendiquer leurs droits. Ce vide informationnel favorise un climat d’impunité où les autorités peuvent agir sans crainte de responsabilité.
Cependant, des initiatives commencent à prendre forme pour promouvoir la liberté de la presse et soutenir les journalistes. Des ONG et des groupes de défense des droits de l’homme s’attachent à sensibiliser le public à l’importance d’une presse libre et indépendante. Néanmoins, ces efforts nécessitent d’être intensifiés afin de modifier véritablement la dynamique actuelle et de permettre aux journalistes de travailler sans crainte.
Dès lors, comment la société camerounaise peut-elle transcender cette culture de l’autocensure pour favoriser un environnement médiatique plus libre et responsable ? Les défis sont nombreux, mais le besoin d’une presse indépendante et critique est plus pressant que jamais pour l’avenir démocratique du pays.