samedi 24 mai 2025
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Alassane Ouattara : chronique d’un long divorce avec la loi

Il entra sur la scène ivoirienne comme un météore tombé d’ailleurs. C’était en 1990. À 48 ans, les Ivoiriens, jusque-là bercés par l’immuable règne de Félix Houphouët-Boigny, découvraient enfin le visage d’Alassane Dramane Ouattara. On le disait missionné, non pour briguer les palais feutrés du pouvoir, mais pour panser une économie saignée par les années. Pourtant, dès ses premiers pas, l’ombre d’une ambition plus vaste planait sur son destin.

La tentation du pouvoir, dès les premières heures

À la mort du Vieux en décembre 1993, l’économiste se mua en gladiateur. Bafouant l’esprit de la Constitution, il s’arc-bouta contre l’application de l’article 11, légitimant la succession d’Henri Konan Bédié. Échec cuisant. Mais loin de se replier, Ouattara en fit un serment : le pouvoir ou rien. Devenu président d’un Rassemblement des Républicains (RDR) fondé sur la fracture, son combat contre la légalité ivoirienne fut dès lors constant, armé d’un doute abyssal sur sa nationalité ivoirienne. S’ensuivirent menaces publiques, incantations révolutionnaires et, en décembre 1999, le pays connut son premier coup d’État militaire. Le fruit était tombé, pourri par des années de crispations.

Sous Gueï, sous Gbagbo, les velléités déstabilisatrices persistèrent. Jusqu’à ce que la guerre éclate, portée par les canons de Guillaume Soro. Par la magie d’accords politiques mal ficelés, Ouattara fut « repêché » pour une élection en 2010 à laquelle, constitutionnellement, il n’aurait jamais dû prétendre.

Le chef devenu fossoyeur des lois

L’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir porta alors les espoirs les plus fous : démocratie, réconciliation, institutions solides. Quinze ans plus tard, il ne reste de ces promesses qu’un champ de ruines.

Après deux mandats âprement disputés, l’homme du « rattrapage ethnique » imposa en 2020 un troisième mandat, dans une flagrante violation de la Constitution qu’il avait lui-même fait réviser. Depuis, il ne gouverne plus que par l’exclusion et la manipulation juridique. Les décisions de la Cour Africaine des Droits de l’Homme ? Pures feuilles mortes balayées par son mépris souverain. La réhabilitation de Guillaume Soro ? Ignorée. La restitution des droits politiques de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, acquittés par la Cour Pénale Internationale ? Patiemment sabotée.

En 2025, le scénario se répète. En prévision d’un scrutin où il redoute toute compétition réelle, Ouattara a méthodiquement nettoyé la liste électorale : exit Soro, Gbagbo, Blé Goudé. Et désormais, Tidjane Thiam, espoir du PDCI-RDA, est lui aussi rayé d’un trait de plume judiciaire au prétexte d’une prétendue irrégularité de nationalité.

La Côte d’Ivoire à l’épreuve de l’usure démocratique

Que reste-t-il d’un pays où le droit ne pèse plus que ce que le prince veut bien lui accorder ? Que devient une nation dont les urnes ne servent plus qu’à entériner des mascarades électorales ?En 2020, malgré la colère sourde, les Ivoiriens avaient, par lassitude, par peur, ou par résignation, plié l’échine. Mais en 2025, alors que la forfaiture semble atteindre son paroxysme, il n’est pas certain que l’histoire se répète sans bruit. L’arrogance politique a ses limites, même sous les tropiques.

Le peuple ivoirien, qui a tant souffert pour arracher son droit à la dignité démocratique, se laissera-t-il encore confisquer son destin par un homme pour qui la loi n’est qu’un accessoire de convenance ? L’épreuve de vérité approche. Et cette fois-ci, c’est tout un modèle politique qui vacille.

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