Dans un sombre enchevêtrement entre l’exil et la guerre, la justice américaine a levé le voile vendredi 25 avril sur le parcours inquiétant d’un ressortissant camerounais, accusé d’avoir fait du virtuel une arme de destruction bien réelle. Eric Tano Tataw, 38 ans, connu dans les cercles radicaux sous le pseudonyme de « Garri Master », est désormais sous le feu des projecteurs judiciaires pour avoir attisé la violence et semé la terreur dans son pays natal, à des milliers de kilomètres de là.

Installé à Gaithersburg, dans le Maryland, Tataw est accusé par un grand jury fédéral de complot en vue de fournir un soutien matériel notamment des fusils d’assaut AK-47 à des groupes séparatistes armés dans les régions anglophones du Cameroun, théâtre d’un conflit meurtrier depuis 2017. Selon le bureau du procureur, il aurait également usé de sa large audience sur les réseaux sociaux pour appeler explicitement à mutiler et à assassiner des civils camerounais.
Se présentant lui-même comme le « Maître de la mutilation », Tataw aurait, selon les autorités, transformé ses plateformes numériques en champs d’incitation à la haine, coordonnant campagnes d’intimidation et collecte de fonds pour armer les milices séparatistes. Ces groupes, opérant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, revendiquent la création d’un État indépendant baptisé « Ambazonie », un rêve devenu cauchemar pour des milliers d’innocents pris en étau entre l’armée régulière et les factions extrémistes.

« Il a exploité la peur comme d’autres exploitent la misère », confie, sous couvert d’anonymat, un haut responsable judiciaire américain. « Ses appels à la violence n’étaient pas de simples paroles : ils ont eu des conséquences mortelles sur le terrain. »
Depuis le déclenchement de la crise anglophone, plusieurs leaders de la diaspora ont été soupçonnés d’alimenter les flammes du conflit depuis l’étranger, profitant de la protection des libertés d’expression dans leurs pays d’accueil pour contourner les restrictions locales. Mais l’affaire Tataw, par son ampleur et sa brutalité revendiquée, illustre une dérive plus grave : celle où la diaspora devient non plus le refuge des idéaux, mais l’arsenal des extrémismes.

S’il est reconnu coupable, Eric Tano Tataw risque de lourdes peines, dans un climat international de plus en plus intolérant aux complicités transnationales de violences politiques. Son procès, très attendu, pourrait également ouvrir la voie à une coopération renforcée entre Washington et Yaoundé dans la lutte contre le financement des groupes armés.
Pendant ce temps, au Cameroun, les échos des horreurs attribuées à ces mouvements continuent de résonner : villages incendiés, écoles fermées, vies brisées. La douleur d’un peuple, instrumentalisée à des fins de pouvoir, n’a pas de frontières. https://www.bfmtv.com/international/amerique-nord/etats-unis/maitre-de-la-mutilation-un-habitant-du-maryland-accuse-d-avoir-incite-a-des-meurtres-au-cameroun_AN-202504260232.html