Angondjé, ce 19 avril 2025 — En ce début d’après-midi lourd d’électricité politique, l’aile pro-Ali Bongo du Parti Démocratique Gabonais (PDG) a donné de la voix depuis le quartier politique d’Angondjé. D’un ton solennel, presque martial, elle a jeté un pavé dans la mare transitionnelle, dénonçant sans ambages les résultats provisoires de la présidentielle du 12 avril 2025. Ce scrutin, selon ses mots, ne serait rien de moins qu’une mascarade électorale organisée sous l’ombre omniprésente du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI).
Le ton était grave. Le discours, ciselé avec un sens du verbe que seuls les vieux partis savent manier. Une prise de parole longuement méditée, manifestement travaillée pour être un marqueur politique. Non pas une plainte passagère, mais une déclaration de rupture, un acte d’opposition enraciné.
L’ombre de l’Histoire : Bongo père et fils convoqués

L’auditoire a ressenti, dans la diction pesée des mots, toute la nostalgie d’un pouvoir tombé. Omar Bongo, figure tutélaire de l’État-postcolonial gabonais, et Ali Bongo, désormais qualifié de dirigeant légitime et légal, ont été convoqués comme des repères indélébiles, presque sacrés. Le PDG ne se contente pas de parler au présent : il puise dans la mémoire, dans la fidélité au « grand camarade », pour asseoir son argument d’illégitimité du pouvoir en place.
Il ne s’agit pas ici de plaider pour un retour en grâce immédiat, mais de revendiquer une continuité interrompue. En filigrane, c’est une plaie mal refermée du 30 août 2023 qui se réouvre : le coup d’État reste perçu, dans cette aile du PDG, non pas comme un sursaut salvateur, mais comme un vol institutionnel.
Un scrutin qualifié de « simulacre » : la légitimité contestée de Brice Oligui Nguéma

L’annonce des résultats — 94,85 % en faveur du président de transition — est raillée comme relevant d’une époque révolue où les chiffres servaient davantage à habiller les régimes qu’à refléter la volonté populaire. Ce pourcentage, qualifié de score extraordinaire, suscite la suspicion plutôt que l’admiration. Le PDG y voit la preuve éclatante d’un verrouillage méthodique, orchestré à tous les étages : absence d’un cadre électoral consensuel, exclusion d’opposants majeurs, mainmise sur les médias d’État, instrumentalisation des institutions électorales.
Ce qui se dessine, selon eux, n’est pas un retour à la démocratie, mais un recyclage du pouvoir par d’autres moyens — une reconduction déguisée, masquée sous les habits d’une transition.
Une opposition assumée, entre douleur et cohérence

Ce n’est pas un simple revirement stratégique. Le PDG s’ancre, dit-il, dans l’opposition, non par opportunisme, mais par cohérence politique. Un geste de fidélité à ses bases, à ses militants, et surtout à sa mémoire. On sent là un parti qui refuse de s’effacer, même laminé par les événements. Un parti qui veut encore écrire l’Histoire, malgré les vents contraires.
Il y a quelque chose de presque romantique dans cette posture : la dignité d’un géant blessé, qui se refuse à abdiquer face à ce qu’il considère comme une usurpation. L’engagement de ne pas se taire, de ne pas se détourner, sonne comme un appel à la résistance démocratique.
Vers un projet alternatif ? Entre repentir et promesse
Dans une lucidité rare, le PDG admet ses erreurs passées. Il promet une rupture salutaire avec les travers qui l’ont éloigné du peuple. Et propose — de manière encore embryonnaire — un projet alternatif, construit sur l’expérience, le renouveau doctrinal et le retour à une véritable écoute des aspirations populaires : justice sociale, transparence, démocratie réelle.
S’agit-il d’une manœuvre rhétorique pour sauver ce qui peut l’être ? Peut-être. Mais l’on sent, derrière les mots, une volonté de redéfinition, de réinvention politique. Le PDG n’a pas dit son dernier mot.
Un appel au front républicain : entre espoir et incertitude
Enfin, la conférence s’achève sur une main tendue. Aux forces vives, aux démocrates sincères, aux citoyens fatigués des promesses trahies. Une tentative de créer un front politique large, transpartisan, pour défendre les valeurs démocratiques fondamentales. Un appel à ne pas se résigner. Un cri, presque existentiel, pour ne pas laisser le Gabon basculer dans une démocratie de façade.
Conclusion : une page se tourne, une autre s’écrit
Le PDG, aujourd’hui affaibli, joue ici une carte cruciale : celle du redressement politique par le discours de vérité. Il tente de reconquérir une légitimité perdue, non pas par la force, mais par l’opposition assumée. Par la parole. Par le verbe.
Ce discours d’Angondjé n’est pas un simple communiqué : c’est une tentative de marquer l’Histoire. Il reste à voir si les Gabonais y verront un sursaut sincère ou le chant d’un cygne trop tardif. Mais dans le fracas politique post-transition, une chose est sûre : le vieux lion n’a pas dit son dernier mot.