Par Prince Bertoua
Le crépuscule des pouvoirs jadis incontestés en Afrique francophone s’est accompagné d’un enchaînement de destitutions, de coups d’État et de départs forcés qui interrogent. Ali Bongo Ondimba au Gabon, Mohamed Bazoum au Niger, Alpha Condé en Guinée, Ibrahim Boubacar Keïta au Mali, Roch Marc Christian Kaboré au Burkina Faso… autant de chefs d’État renversés par la force, marquant la fin brutale d’un cycle politique.
La rapidité et la répétition de ces événements ont un air de déjà-vu, mais à une échelle qui dépasse les seuls contextes nationaux. Le spectre d’un nouvel ordre mondial, cette expression souvent galvaudée et brandie à tort et à travers, trouve ici une résonance particulière.
Comprendre la dynamique du renversement
Que s’est-il passé pour que ces dirigeants, jadis inamovibles, soient balayés en quelques mois ou années ? Trois facteurs se dégagent.
Un rejet des élites politiques usées : Les populations, notamment la jeunesse, n’adhèrent plus aux figures installées depuis des décennies. Elles veulent du changement, quitte à voir les militaires comme des sauveurs.
Un affaiblissement du contrôle occidental : La perte d’influence des anciennes puissances coloniales, en particulier la France, a permis à des alternatives géopolitiques (Russie, Chine, Turquie) d’encourager des transitions abruptes.
Un pragmatisme stratégique de certains dirigeants : Macky Sall au Sénégal et Mahamadou Issoufou au Niger ont bien saisi le vent du changement. En refusant de s’accrocher au pouvoir, ils ont évité le sort d’un Alpha Condé ou d’un Ali Bongo.
Une mutation en profondeur ou un simple cycle ?
Si la thèse du « nouvel ordre mondial » suppose une transformation globale et durable, il faut s’interroger sur la pérennité des nouvelles dynamiques. Les juntes militaires au pouvoir sont-elles vraiment en rupture avec le passé ou perpétuent-elles des pratiques anciennes sous de nouveaux visages ?
Pour l’instant, le flou demeure. Mais une chose est sûre : la vieille garde africaine, autrefois intouchable, ne l’est plus. Et ceux qui espèrent encore régner en monarques avisés devraient en tirer les leçons avant que l’Histoire ne les rattrape.