samedi 14 juin 2025
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Mbanié : Le sénat du Gabon dit NON à la décision de la Haye

Le 19 mai 2025 restera gravé comme un jour de désillusion nationale. Alors que le Gabon pansait encore ses plaies après la décision de la Cour internationale de justice (CIJ) lui retirant la souveraineté sur l’île de Mbanié, un nouveau coup de théâtre s’est joué au Palais Omar Bongo Ondimba. Le Sénat, institution parlementaire toujours en transition, a repoussé le projet de loi autorisant la ratification du statut de la Cour islamique internationale de justice. Une décision lourde de sens, qui entre en dissonance avec le vote favorable de l’Assemblée nationale — elle aussi transitoire — mais surtout avec les orientations du pouvoir exécutif, désormais pleinement installé et sorti du régime de transition.

Une fracture institutionnelle sous fond de souveraineté

Dans ce scrutin aux airs de révolte douce, 22 sénateurs ont voté contre, 17 pour, et 8 se sont abstenus. Le ministre des Relations avec les institutions, François Ndong Obiang, représentant un gouvernement post-transition, a assisté, impuissant, au rejet de ce texte. Jean-Robert Goulongana, premier secrétaire du Bureau du Sénat, l’a annoncé avec gravité : « Le gouvernement sera informé de la non-adoption par le Sénat de la loi de ratification qui a pourtant été adoptée par l’Assemblée nationale. »

Ce rejet crée un désalignement inédit : un exécutif légitime et consolidé, dirigé par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, se heurte à un Parlement encore en chantier, reflet d’une transition institutionnelle inachevée.

Mbanié, une plaie encore vive

L’émotion populaire reste à vif depuis que la CIJ a tranché en faveur de la Guinée équatoriale dans le différend frontalier. L’île Mbanié n’est pas seulement un territoire : elle symbolise un pan d’honneur national égaré. Ce contexte douloureux rend toute adhésion à une juridiction supranationale particulièrement sensible. Et pour les sénateurs, autoriser aujourd’hui une nouvelle ratification judiciaire internationale, fût-elle islamique, revient à tendre l’autre joue. L’heure est à la prudence, voire à la fermeture stratégique.

Le Gabon entre affirmation intérieure et repositionnement international

Créée en 1981 par l’OCI, la Cour islamique de justice attend toujours les ratifications nécessaires à son activation. Plusieurs sommets, dont celui du Koweït en 1987 et le récent forum de février 2025, ont relancé les appels. Mais pour le Gabon, l’adhésion apparaît désormais comme une décision à haut risque politique. D’un côté, le besoin de repositionner le pays dans les grandes dynamiques de coopération sud-sud. De l’autre, la nécessité de réaffirmer la souveraineté nationale, érodée par une justice internationale vécue comme défavorable.

Un défi de gouvernance à l’ère post-transition

Le refus sénatorial met à l’épreuve la capacité de dialogue du gouvernement post-transition. Peut-il convaincre sans imposer ? Relancer le débat sans réveiller le traumatisme national ? Si la démocratie parlementaire est en construction, l’exécutif, lui, est attendu sur la clarté de sa stratégie diplomatique. Car dans cette affaire, il ne s’agit pas seulement d’un vote technique. C’est un signal. Celui d’un pays meurtri, méfiant, mais encore debout.

Conclusion : un texte, une nation, une mémoire

Le Gabon refuse aujourd’hui de signer les yeux fermés. Tant que l’ombre de Mbanié planera sur la mémoire collective, toute ratification internationale devra composer avec l’Histoire, les émotions, et la nécessité d’un débat véritablement national. La transition parlementaire en cours n’efface pas les responsabilités du pouvoir établi. Le peuple attend, et observe.

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