samedi 14 juin 2025
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Luxe médical pour les chefs, pénurie pour la population

Ils s’envolent en jets privés vers Genève, Paris ou Dubaï à la moindre toux, pendant que leurs concitoyens agonisent dans des centres de santé délabrés, sans électricité, sans médicaments, sans personnel qualifié. Voilà le paradoxe d’une Afrique encore dirigée, trop souvent, par des chefs d’État qui fuient leur propre système de santé comme une zone de guerre.

Le cas le plus emblématique ? Ali Bongo Ondimba, ancien président du Gabon, victime d’un AVC en 2018 à Riyad, transféré aussitôt à Rabat dans une clinique ultramoderne. Pendant ce temps, au Centre hospitalier universitaire de Libreville, des patients meurent faute d’IRM fonctionnel ou d’oxygène en salle de réanimation. Un contraste insoutenable.

Et que dire de Muhammadu Buhari, ex-président du Nigeria, qui a passé plus de 200 jours au Royaume-Uni entre 2016 et 2017 pour des soins mystérieux, alors que son pays, première économie d’Afrique, reste incapable d’assurer des soins de base à des millions de citoyens ? Les hôpitaux publics nigérians, gangrenés par la corruption et le manque d’investissement, ont vu fuir leurs médecins vers le Canada ou l’Arabie Saoudite. Ironie : ces médecins-là auraient pu soigner leur président… s’il était resté au pays.

La liste est longue et indécente : Paul Biya, président éternel du Cameroun, est pratiquement résident en Suisse, où il se soigne et se repose pendant que l’hôpital central de Yaoundé croule sous les coupures d’eau et d’électricité. Même feu Robert Mugabe, chantre du panafricanisme verbal, se faisait soigner à Singapour.

Pourquoi cet exil sanitaire systématique ? Parce que ces dirigeants savent pertinemment que leurs hôpitaux ne sont pas dignes de confiance. Ils ont eux-mêmes vidé les caisses de la santé publique, détourné les fonds de l’OMS, ignoré les cris des personnels médicaux en grève. Construire un centre d’oncologie ? Trop coûteux. Former des chirurgiens ? Trop long. Acheter une ambulance ? Pas de budget. Mais acheter un Gulfstream ou privatiser un pavillon à Neuilly-sur-Seine ? Immédiatement.

Ce comportement n’est pas seulement hypocrite, il est criminel. Car il tue. Il tue des mères en couche, des enfants malnutris, des blessés d’accidents évitables. Il entretient une médecine à deux vitesses, profondément coloniale dans son essence : une santé pour les puissants, ailleurs, et une survie pour le peuple, ici.

Quelques exceptions sauvent l’honneur : l’ancien président ghanéen Jerry Rawlings se soignait à Accra, dans les hôpitaux nationaux, tout comme l’ex-président tanzanien John Magufuli, qui en avait fait un principe de gouvernance. Mais ils restent des anomalies dans un continent où l’élite fuit ses propres politiques publiques.

L’Afrique mérite mieux. Elle mérite des dirigeants qui croient à la dignité de leurs systèmes de santé, qui investissent dans les infrastructures hospitalières, qui n’ont pas peur d’être soignés là où le peuple est soigné. C’est cela, la véritable souveraineté. Et non ces discours enflammés sur le panafricanisme, prononcés entre deux bilans de santé à Zurich.

Tant que le chef ne se soigne pas avec le peuple, il ne peut prétendre gouverner pour lui. https://www.franceinfo.fr/monde/afrique/politique-africaine/ces-presidents-africains-qui-preferent-se-faire-soigner-a-letranger_3233135.html

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