L’absence de formation politique : un vide structurel dangereux
Brice Oligui Nguema accède au pouvoir sans l’infrastructure d’un parti politique formel. En Afrique centrale, et plus spécifiquement au Gabon, l’absence d’un appareil partisan solide représente un risque systémique pour la gouvernabilité. Contrairement à des présidents sortis des urnes avec une formation bien rodée (comme le PDG pour Omar puis Ali Bongo), Oligui Nguema se retrouve dans une situation paradoxale : une légitimité populaire fraîche, mais une fragilité organisationnelle qui pourrait rapidement se muer en impuissance parlementaire.
Or, sans majorité claire à l’Assemblée nationale ni au Sénat, il risque de devoir composer avec des forces hétérogènes, voire hostiles, ce qui compromettrait l’adoption de réformes clés. D’autant plus que les prochaines élections législatives et locales seront un test grandeur nature de sa capacité à mobiliser un soutien structuré, au-delà de son aura présidentielle.
Le PDG, une épée à double tranchant

Le Parti Démocratique Gabonais, affaibli mais toujours debout, demeure la seule véritable machine électorale nationale. Il dispose encore de réseaux enracinés dans l’administration, les collectivités locales, et surtout dans la culture politique gabonaise. Paradoxalement, ce même PDG a été l’un des premiers soutiens officieux à la candidature Oligui Nguema en avril, preuve que ses cadres savent s’adapter à tous les régimes.
Mais ce soutien a un prix. L’héritage du PDG est celui d’un système clientéliste, centralisé et opaque, que la population a justement rejeté le 30 août 2023. Si Oligui s’y associe de manière trop frontale, il risque d’être perçu comme une continuité camouflée du système Bongo. S’il les marginalise totalement, il risque d’un autre côté de s’aliéner un appareil politique expérimenté dont il pourrait avoir cruellement besoin.
Il lui faudra donc une posture d’équilibriste : tirer profit de la machine PDG sans se laisser absorber par sa culture politique.
Les jeunes “Bâtisseurs” : entre espoirs trahis et effets pervers du pouvoir

Le Mouvement des Bâtisseurs, initialement pensé comme un creuset de renouvellement générationnel, montre déjà ses limites. Des accusations de comportements arrogants, de détournements de ressources de campagne et de mépris envers la base populaire viennent entacher l’image de cette nouvelle élite.
Ce syndrome n’est pas rare : dans les phases de transition, certaines figures opportunistes s’infiltrent dans les cercles du pouvoir pour capitaliser sur l’effet nouveauté. L’absence de formation politique rend aussi difficile le filtrage de profils compétents, laissant la porte ouverte à des alliances fragiles ou toxiques.
La déclaration d’un ancien ministre comparant cette jeune garde à la “Young Team” d’Ali Bongo est un signal d’alarme. Si Oligui Nguema souhaite préserver sa légitimité populaire, il devra soit réorganiser cette mouvance en profondeur, soit s’en détacher publiquement.
Retour des anciens ? Une option stratégique sous conditions

Faire appel aux anciens dignitaires, marginalisés mais expérimentés, pourrait représenter une carte maîtresse pour stabiliser le régime à court terme. Ils ont l’expérience des rouages administratifs, savent lire les équilibres régionaux, et surtout, maîtrisent les subtilités des rapports avec les forces armées et les chancelleries étrangères.
Mais là encore, le risque de confusion est réel : un retour en force des anciens pourrait brouiller le message de rupture et de renouveau que le président cherche à incarner. Le pari serait donc de les utiliser comme conseillers de l’ombre ou facilitateurs politiques, tout en mettant en avant un discours de réforme institutionnelle claire, pour éviter toute perception de retour en arrière.
Conclusion : gouverner ou être gouverné

Brice Clotaire Oligui Nguema entame son mandat avec une autorité présidentielle nette, mais une base partisane instable. S’il veut gouverner dans la durée, il lui faudra :
Structurer ou absorber un appareil politique solide avant les élections locales et législatives,
Clarifier sa relation au PDG,
Écarter les éléments toxiques de la jeune garde,
Et bâtir une coalition pragmatique incluant une part mesurée d’expérience.
Le président n’a pas droit à l’erreur. L’histoire récente du Gabon nous a déjà montré ce que coûte l’illusion d’un pouvoir sans racines politiques solides. L’enjeu, aujourd’hui, n’est pas seulement de diriger, mais d’éviter d’être à son tour prisonnier d’un système que l’on croyait révolu.
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