Alors que la République démocratique du Congo traverse une période de tensions politiques persistantes, la présence grandissante des responsables religieux sur la scène politique suscite une vague d’indignation et de remise en question. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une politisation excessive de l’Église, jugée contre-productive et nuisible à la neutralité spirituelle.
Depuis la fin du processus électoral contesté de 2023, les conférences de presse des chefs religieux, les messages pastoraux à forte connotation politique, et la prise de position publique sur des questions de gouvernance se sont multipliés. La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) apparaissent régulièrement dans les débats, dénonçant la corruption, appelant à des transitions ou exprimant des préférences à peine voilées pour certains acteurs politiques. Pour de nombreux Congolais, cette implication dépasse les limites du rôle spirituel.
Une Église entre prophétisme et politique

Historiquement, l’Église congolaise a toujours été un acteur de poids dans les grands moments de transition, du temps de Mobutu jusqu’à l’alternance de 2018. Cependant, la nouvelle ère politique semble marquée par une prise de parole constante des religieux, souvent perçue comme un positionnement partisan. « Il ne s’agit plus de moraliser la vie publique, mais de s’aligner sur des stratégies politiques », estime Léon Mutombo, chercheur en sociologie politique à l’Université de Kinshasa.
Un discrédit croissant dans la population

Alors que les leaders religieux prétendent défendre le peuple, certains citoyens dénoncent une élite ecclésiastique déconnectée des réalités de base. « Où étaient-ils quand nos villages étaient assiégés par les groupes armés ? Quand nos écoles paroissiales se dégradaient ? Ils sortent seulement quand il s’agit de postes, de dialogues politiques et de visibilité médiatique », s’indigne Monique, vendeuse au marché Gambela.
Des critiques plus virulentes les accusent même de « négocier leur place autour de la mangeoire », en quête d’influence au sein des institutions de la République. Des pasteurs et évêques seraient proches de certains partis politiques, brouillant davantage les frontières entre foi et pouvoir.
Vers une relecture du rôle religieux

Dans ce climat, plusieurs observateurs appellent à une réévaluation urgente du rôle de l’Église dans la sphère publique. L’abbé Josué Tshibola, pourtant membre du clergé catholique, plaide pour un retour à la mission première : l’éveil des consciences, sans récupération politique. « Le Christ n’a jamais cherché un poste au Sénat. Pourquoi ses serviteurs le feraient-ils ? »
À l’heure où la RDC cherche à se reconstruire, la confusion entre autorité spirituelle et ambition politique pourrait coûter cher à la crédibilité des Églises. Le peuple, quant à lui, semble de plus en plus las de cette double casquette.