L’air est à la réforme, la scène politique se refait une beauté et, dans les coulisses du pouvoir, le Général-président devenu Président-civil, Brice Clotaire Oligui Nguema, joue sa grande partition. Exit les tambours militaires, place au concert des institutions civiles. L’ancien homme fort du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) vient d’annoncer, par décret présidentiel — ce nouveau langage qui fait frissonner les vieilles habitudes —, la composition d’un gouvernement qui, il faut l’avouer, a des allures de casting savamment orchestré entre l’audace et la stratégie.

Mais trêve de suspense : Alexandre Barro Chambrier, autrefois opposant numéro un et rhétoricien affûté contre le régime Bongo, s’installe désormais au balcon du pouvoir comme vice-président du gouvernement. Un retournement de situation qui ferait rougir Machiavel lui-même ! L’ancien Premier ministre, lui, n’est pas en vacances : il a simplement été rayé de la carte par la cinquième Constitution du pays — la cinquième, oui, vous avez bien lu — comme une note de bas de page devenue encombrante.
Dans ce nouveau monde gabonais version 5.0, le président règne sans contrepoint. L’exécutif est allégé, centralisé, recentré…bref, tout sauf partagé.À la défense, Brigitte Onkanowa garde ses galons. Elle incarne cette continuité rassurante, pendant que d’autres figures militaires, comme Ulrich Manfoumbi Manfoumbi aux transports ou Maurice Ntossui Allogo aux eaux et forêts, rappellent que l’ADN du CTRI n’a pas totalement disparu. C’est ce qu’on appelle un recyclage stratégique : changer de tenue, mais pas de rôle.

Côté civils, l’arrivée d’Henri-Claude Oyima à l’économie est un signal fort : trente ans à la tête de la BGFI, ce n’est pas rien. L’économie, elle, n’aura plus droit à l’improvisation. Mark-Alexandre Doumba, pour sa part, prend les commandes du numérique, car le Gabon veut désormais se connecter au monde avec plus de wifi que de Wi-Fi-wan.
Et que dire de Zenaba Gninga Chaning, seule femme candidate à la présidentielle d’avril, qui hérite du très symbolique ministère de l’entrepreneuriat ? Une nomination qui sonne comme un hommage mérité… et une manière élégante de faire taire les mauvaises langues.Mais le véritable coup de théâtre reste la création d’un ministère de l’accès universel à l’eau et à l’énergie — Philippe Tonangoye y est propulsé en mode « mission impossible ». Voilà une promesse qui fera couler beaucoup…d’encre.
Dans un stade transformé en temple de la République, Oligui a été investi devant 40 000 âmes galvanisées, sous les vivats d’un peuple avide de changement. Il a désormais les coudées franches. Reste à savoir s’il dirigera en maestro ou en soliste autoritaire.
Les prochaines élections locales, législatives et sénatoriales sont attendues entre septembre et novembre. D’ici là, Libreville retient son souffle, les critiques affûtent leurs plumes et le peuple, toujours plein d’espoir, regarde son président jouer sa nouvelle partition. Et comme on dit chez nous : quand le chef d’orchestre change, la mélodie ne peut pas rester la même.