Poursuites judiciaires contre Joseph Kabila : enjeux et implications

Un tournant dans la justice congolaise
Le 19 avril 2025 a marqué un tournant significatif dans le paysage politique et judiciaire de la République démocratique du Congo (RDC). Sous la houlette du ministre d’État en charge de la justice, Constant Mutamba, le gouvernement a lancé des poursuites judiciaires contre l’ancien président Joseph Kabila. Accusé de « participation directe » à l’agression armée du Rwanda via le mouvement terroriste AFC/M23, Kabila se retrouve au centre d’une tempête politique qui pourrait remodeler la justice en RDC.
Cette décision, qui comprend la saisie des biens de Kabila et des restrictions de mouvement pour ses proches, soulève des questions essentielles sur l’équité et la responsabilité des dirigeants. La poursuite d’un ancien président, même après la fin de son mandat, remet en question l’idée d’immunité qui a longtemps protégé les élites politiques en RDC. Me Katolo Arsene Litsha, avocat au barreau de Kinshasa, affirme que « nul ne peut être soustrait à son juge naturel », insistant sur le fait que les actions menées sous le couvert d’immunité ne doivent pas rester impunies.
Ce mouvement pourrait ouvrir la voie à une justice plus équitable, où les dirigeants ne seraient plus au-dessus des lois. Cependant, il suscite des inquiétudes concernant l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques, un phénomène trop souvent constaté dans le passé en RDC.

Les accusations et leurs implications
Les accusations contre Joseph Kabila sont sérieuses et étayées par des preuves, selon le gouvernement. Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre de l’Intérieur, a révélé des éléments liant Kabila à l’AFC-M23, un groupe armé responsable de violences en RDC. Ces allégations, impliquant des relations avec l’Armée rwandaise, soulèvent non seulement des questions sur la responsabilité personnelle de Kabila, mais aussi sur la stabilité régionale.
Le contexte historique de la RDC, marqué par des conflits armés et des ingérences étrangères, rend ces accusations d’autant plus délicates. L’idée d’une collusion entre Kabila et des forces extérieures pourrait exacerber les tensions internes et éroder l’unité nationale. De plus, la suspension du PPRD, le parti de Kabila, ainsi que les poursuites engagées contre lui, traduisent une volonté politique de tourner la page sur un passé corrompu et de restaurer la confiance dans les institutions juridiques.
Néanmoins, ces actions attirent les critiques de figures politiques comme Hervé Diakiese, porte-parole du parti Ensemble pour la République, qui les considère comme arbitraires et motivées par des raisons politiques. Cette opposition souligne le risque d’une justice instrumentalisée, où les décisions judiciaires peuvent être perçues comme des règlements de comptes plutôt que des démarches légitimes pour rétablir la vérité.

Vers une justice équitable ou une justice du plus fort ?
La situation actuelle interpelle sur l’avenir de la justice en RDC. D’un côté, les poursuites contre un ancien président peuvent être interprétées comme un pas vers une justice plus équitable, obligeant tous, y compris les dirigeants, à répondre de leurs actes. De l’autre, les critiques énonçant des doutes sur l’équité des procédures et la possibilité d’une justice politisée assombrissent cette perception.
Les propos de Lambert Mende, ancien porte-parole du gouvernement sous Kabila, qui appelle à lever l’immunité de l’ancien président pour qu’il fasse face à des accusations de haute trahison, mettent en lumière l’urgence de la situation. Cependant, cette demande pourrait également être perçue comme une manipulation politique, aggravant ainsi les divisions au sein du paysage politique congolais.
Il est crucial de se demander si la RDC est prête à mettre en place un système judiciaire respectueux des droits de tous les citoyens, y compris ceux des anciens dirigeants. L’équité dans les poursuites judiciaires est primordiale, surtout dans un pays où les inégalités et les abus de pouvoir sont fréquents. La justice doit-elle servir de moyen de réconciliation ou devenir un instrument de vengeance ? Les réponses à ces enjeux détermineront l’avenir de la démocratie et de l’État de droit en RDC.