À moins de six mois d’une présidentielle aux contours incertains, un vent inédit souffle au sein du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Léon Theiller Onana, jeune conseiller municipal de la commune d’Elig-Mfomo, dans la région du Centre, a décidé de bousculer les lignes. Militant depuis 2019, il ose un geste rare : saisir la justice pour exiger la convocation d’un congrès du parti. Une démarche qui résonne comme un appel à la réforme dans une formation où le débat interne est souvent étouffé par la longévité d’un homme : Paul Biya.
À 91 ans, le président camerounais incarne à lui seul la continuité d’un régime aux pratiques bien huilées. À la tête de l’État depuis 1982, et du parti depuis sa création en 1985, Paul Biya pourrait se présenter pour un 8e mandat, malgré les spéculations sur son état de santé et les interrogations sur sa capacité à gouverner. Dans ce contexte, la démarche de Léon Theiller Onana prend un relief tout particulier.

« Il est temps que le RDPC retrouve son âme démocratique. Le congrès est prévu par nos textes, il ne peut pas être éternellement différé », confie-t-il à RFI. L’élu local a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Yaoundé, espérant obtenir la désignation d’un mandataire pour convoquer ce grand rendez-vous des militants, censé redéfinir la ligne et les orientations du parti.
La dernière grand-messe du RDPC remonte à 2011, une éternité dans la vie d’un parti, surtout à l’approche d’un scrutin capital. Aucun débat public n’a pour l’heure été engagé sur la désignation d’un éventuel candidat. Officiellement, Paul Biya reste le « candidat naturel ». Mais en coulisses, les ambitions frémissent, et l’initiative de Léon Theiller Onana pourrait bien cristalliser des frustrations longtemps contenues.

Si la hiérarchie du parti est restée silencieuse face à cette action en justice, plusieurs militants, sous couvert d’anonymat, saluent « le courage d’un homme qui pose la bonne question au bon moment ». D’autres, plus prudents, redoutent un bras de fer inutile. « Ce n’est pas en saisissant les tribunaux qu’on réforme un parti. C’est de l’intérieur, par la concertation et la loyauté », rétorque un cadre du Comité central.
L’audience est attendue dans les prochains jours. Quelle qu’en soit l’issue, cette initiative vient rappeler qu’en 2025, le Cameroun pourrait être à la croisée des chemins. Le parti au pouvoir n’est peut-être pas aussi monolithique qu’il n’y paraît. Et à travers le geste de ce jeune élu, c’est toute une génération de militants qui pourrait chercher à peser sur l’avenir du RDPC — et, partant, sur celui du pays.