Une guerre aux allures de revanche politique
La République démocratique du Congo (RDC) est de nouveau secouée par une crise militaire et politique de grande ampleur. À travers l’alliance politique AFC et la rébellion du M23, soutenue par Kigali, une nouvelle dynamique semble se dessiner. L’objectif implicite du Rwanda serait-il de restaurer les accords de 2012 signés sous Joseph Kabila et, à terme, de favoriser le retour de ce dernier à la tête du pays via Corneille Nangaa ?
Depuis plusieurs mois, l’est de la RDC est en proie à une résurgence de violences orchestrées par le M23, qui multiplie les conquêtes territoriales. Ce groupe rebelle, largement soutenu par le régime de Paul Kagame, s’affiche désormais comme l’élément militaire d’une coalition plus large, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), dirigée par l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa. Un homme dont les liens avec Kabila sont de notoriété publique.
L’hypothèse selon laquelle Kigali, à travers l’AFC/M23, chercherait à rétablir les équilibres de 2012 prend de l’ampleur. Cette année-là, Joseph Kabila avait signé avec le Rwanda des accords controversés qui, selon plusieurs analystes, consacraient une influence accrue de Kigali sur l’est congolais, notamment en matière économique et sécuritaire. La remise en cause de ces accords par Félix Tshisekedi a contribué à la détérioration des relations entre Kinshasa et Kigali.
Corneille Nangaa, l’homme de la réhabilitation de Kabila ?

Corneille Nangaa, aujourd’hui à la tête de l’AFC, se pose en alternative à Tshisekedi, en associant sa cause à la lutte du M23. Or, difficile d’ignorer le passé de cet homme : sous Joseph Kabila, il a dirigé la CENI, pilotant notamment les élections contestées de 2018 qui ont permis à Tshisekedi d’accéder au pouvoir. Son passage à l’opposition, puis son rapprochement avec la rébellion du M23, soulèvent de nombreuses interrogations.
Dans ce contexte, plusieurs observateurs voient en Nangaa un pion idéal pour un retour de Kabila, qui bénéficie encore d’un réseau puissant au sein des institutions congolaises et de l’armée. Le scénario d’un retour aux équilibres de 2012, à travers une alliance entre le M23, Kigali et des figures de l’ancien régime, semble de moins en moins improbable.
Église et opposition : complicité ou impuissance ?

Face à cette menace grandissante, la réaction de l’opposition congolaise et de l’Église catholique demeure floue. La Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), habituellement prompte à dénoncer les ingérences étrangères et les abus de pouvoir, s’est contentée de déclarations générales appelant à la paix.
Quant à l’opposition politique, elle semble divisée. D’un côté, certains leaders dénoncent avec virulence l’alliance Nangaa-M23, y voyant une menace directe pour la souveraineté congolaise. De l’autre, une partie de l’opposition, notamment les proches de Kabila, adopte un silence stratégique, laissant entendre que la recomposition du paysage politique pourrait servir leurs intérêts.
Dans cette posture ambiguë, deux lectures s’affrontent : une impuissance face à la complexité de la situation, ou une complicité tacite avec Corneille Nangaa et son projet politique.
Un avenir incertain

La RDC traverse une période critique où se mêlent enjeux militaires, ingérences étrangères et manœuvres politiques internes. Si l’hypothèse d’un retour à un régime proche de celui de Kabila se concrétise, cela marquerait un tournant majeur dans la dynamique politique congolaise et dans les relations avec le Rwanda.
Pour l’instant, la grande question demeure : Félix Tshisekedi et ses alliés ont-ils les moyens de contrecarrer cette stratégie, ou assisterons-nous à une nouvelle reconfiguration du pouvoir congolais sous l’influence de Kigali ?