Impact de l’interdiction de l’exportation de manganèse brut

Une décision stratégique pour l’économie gabonaise
Le 30 mai 2025, le gouvernement gabonais, dirigé par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, a lancé une mesure audacieuse : l’interdiction de l’exportation de manganèse brut à compter du 1er janvier 2029. Cette décision vise à encourager la transformation locale d’une ressource pour laquelle le Gabon est le deuxième producteur mondial. Elle pourrait bouleverser le paysage économique du pays, permettant une diversification des revenus et une réduction de la dépendance aux matières premières brutes.
Yvon Patrick Ndinga, expert économique, affirme que cette initiative pourrait donner naissance à un tissu industriel vital pour améliorer la vie d’une population jeune et dynamique. Face à un taux de chômage élevé, l’industrialisation apparaît comme une solution pour générer des emplois et stimuler la croissance. En soutenant la transformation locale, le Gabon pourrait non seulement accroître ses recettes fiscales, mais aussi créer des milliers d’emplois qualifiés au sein du secteur minier et au-delà.
Cependant, cette transition présente des défis considérables. La mise en œuvre de cette politique nécessitera des investissements massifs dans les infrastructures, la formation d’une main-d’œuvre qualifiée et une gestion efficace des ressources énergétiques. Le gouvernement a déjà commencé à élaborer un plan d’investissement triennal pour moderniser le secteur énergétique, avec un coût estimé à 3 000 milliards de Fcfa. Cela reflète l’engagement du Gabon à transformer son économie, mais suscite des inquiétudes quant à la viabilité de ces projets face à un endettement croissant.

Le rôle clé de Comilog dans la transformation locale
La Compagnie Minière de l’Ogooué (Comilog), une filiale du Groupe ERAMET, est un acteur central dans cette transition. Avec une production annuelle de 10 millions de tonnes de manganèse, dont 6,8 millions pour Comilog, l’entreprise est bien positionnée pour répondre aux nouvelles exigences. Son PDG, Christel Bories, a réaffirmé l’engagement de l’entreprise à investir dans des infrastructures de transformation locale, essentielles pour se conformer à la nouvelle réglementation.
Comilog a déjà entamé la modernisation de ses installations à Moanda, où elle produit du manganèse enrichi et divers produits dérivés. L’initiative est renforcée par la création de l’École des mines et de la métallurgie de Moanda (E3MG), dédiée à la formation de techniciens et d’ingénieurs, contribuant ainsi à l’élévation des compétences locales. Avec un taux d’insertion de 75 %, l’école incarne l’engagement de Comilog envers l’industrialisation du Gabon.
Récemment, le ministre de l’Industrie et de la transformation locale, Maître Lubin Ntoutoume, a visité les installations de Comilog pour évaluer leurs capacités industrielles. Cette visite a souligné l’importance d’une chaîne de valeur complète à Moanda et l’engagement de Comilog à respecter les nouvelles normes. Les investissements dans les infrastructures et la formation des travailleurs qualifiés sont des contributions majeures pour le développement de l’économie gabonaise.

Défis et perspectives d’avenir
Bien que l’interdiction présente des avantages indéniables, plusieurs défis demeurent. Il est crucial de bâtir des infrastructures adéquates pour la transformation du manganèse et d’assurer un approvisionnement énergétique stable. Les projets de barrages hydroélectriques en cours pourraient améliorer l’approvisionnement énergétique, mais la modernisation des lignes de transport d’énergie est tout aussi indispensable pour garantir une disponibilité fiable.
Par ailleurs, la formation d’une main-d’œuvre spécialisée est un enjeu majeur. Le Gabon doit veiller à ce que ses citoyens soient prêts à occuper les emplois générés par cette nouvelle industrie. Les partenariats internationaux pour le transfert de technologies seront également cruciaux pour réussir cette transition. Les experts s’accordent à dire que le succès de cette politique repose sur la capacité du Gabon à attirer des investissements et à établir un cadre fiscal et de gouvernance solide.
En résumé, l’interdiction de l’exportation de manganèse brut pourrait présager un tournant décisif pour l’économie gabonaise. En favorisant la transformation locale, le Gabon peut non seulement renforcer sa souveraineté économique, mais aussi se positionner en acteur clé sur le marché mondial des métaux stratégiques. Toutefois, la mise en œuvre de cette politique nécessitera des efforts francs et coordonnés entre le gouvernement, les entreprises et la société civile pour surmonter les nombreux défis qui se présentent.