Depuis son exil au Kenya devenu tremplin de guerre, Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de la République démocratique du Congo (RDC), s’est mué en stratège politico-militaire et chef d’une rébellion assumée. Aujourd’hui installé dans l’est du pays, au Kivu, il y règne avec ses hommes et impose une nouvelle dynamique politique sous le label de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC).
Un État en faillite selon Nangaa

Dans une série d’interviews accordées à divers médias, Corneille Nangaa dresse un tableau sombre de la situation en RDC. Il accuse le président Tshisekedi d’avoir détruit l’armée nationale, corrompu l’administration et tribaliser la justice, transformant ainsi l’État en une entité défaillante incapable de répondre aux besoins de ses citoyens.
Une légitimité présidentielle contestée

Nangaa conteste la légitimité de Félix Tshisekedi, affirmant que ce dernier n’a jamais remporté les élections. Il soutient que les résultats des scrutins de 2018 et 2023 ont été manipulés pour maintenir Tshisekedi au pouvoir, au détriment de la volonté populaire.
Corruption et favoritisme tribal

La corruption généralisée et le favoritisme tribal sont également au cœur des critiques de Nangaa. Il dénonce une gouvernance où les marchés publics sont attribués de gré à gré à des proches du pouvoir, et où les institutions sont dominées par une seule ethnie, exacerbant les tensions intercommunautaires.
L’apatridie des Tutsis congolais

La question identitaire est une autre préoccupation majeure pour Nangaa. Il souligne que certains Congolais, notamment les Tutsis, se voient refuser la nationalité congolaise, alimentant ainsi les violences et les déplacements de populations.
L’Alliance du Fleuve Congo : une coalition inclusive ou une menace pour la stabilité ?

Face à ces défis, Corneille Nangaa propose une solution radicale : la création de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), une coalition regroupant des partis politiques et des groupes armés, dont le M23. Il présente l’AFC comme une alliance inclusive de toutes les tribus et de toutes les régions, visant à refonder l’État congolais sur de nouvelles bases.
Mais cette initiative ne fait pas l’unanimité. Tandis que ses partisans parlent de renaissance nationale, des ONG comme l’Institut de recherche en droits humains (IRDH) alertent sur les risques de militarisation de la politique. Le gouvernement congolais, lui, a lancé un mandat d’arrêt international contre Nangaa pour crimes de guerre. Malgré cela, ce dernier règne désormais sur une partie du Kivu, imposant son autorité et élargissant l’influence de l’AFC dans cette zone stratégique.
Une refondation par la force ?

Corneille Nangaa ne cache plus son intention de prendre le pouvoir par la force. « Le régime ne comprend que le langage des armes », affirme-t-il. Son implantation militaire dans le Kivu n’est donc pas seulement tactique, mais symbolique d’une volonté assumée de reconquête.
Alors que la RDC se trouve à la croisée des chemins, cette montée en puissance d’un ancien haut fonctionnaire désormais chef rebelle interroge : sommes-nous à l’aube d’un nouveau cycle de violences, ou à la naissance d’un ordre politique alternatif ? Le silence du pouvoir central et l’inaction de la communauté internationale ne font que renforcer l’écho des armes.