Kasaba (Sud-Kivu, RDC) – Dans la nuit obscure du jeudi 8 mai, alors que le paisible village de Kasaba s’endormait au chant lointain des vagues du lac Tanganyika, un rugissement venu des entrailles de la terre s’est élevé. En quelques heures, une rivière autrefois modeste – la Kasaba – est sortie de son lit, engloutissant vies, maisons et espoirs. Ce samedi 10 mai, le bilan est effroyable : au moins 104 morts, selon les autorités locales, et bien plus selon des sources civiles.
« C’était comme un monstre qui hurlait dans la nuit. L’eau est venue sans prévenir, emportant les enfants de leurs lits, les vieillards de leurs matelas… », confie d’une voix brisée un habitant rescapé, les yeux rougis par les larmes et la boue.
Une rivière transformée en torrent de mort

Le chef de secteur de Nganja, Bernard Akili, parle d’une nuit de cauchemar. Il raconte comment la rivière Kasaba, gonflée par des pluies diluviennes, s’est transformée en torrent furieux. Des arbres centenaires déracinés, des pierres grosses comme des tombeaux et des tonnes de boue ont dévalé la pente, fauchant tout sur leur passage.
« Les victimes sont majoritairement des enfants et des personnes âgées, surpris dans leur sommeil. C’était la nuit, ils n’ont eu aucune chance, » dit-il, la voix chargée d’émotion.
Les chiffres donnent le vertige : 28 blessés, 150 habitations réduites à néant, et des dizaines de personnes portées disparues. Une autre source locale évoque jusqu’à 119 corps retrouvés dans les décombres.
Kasaba, village oublié des radars

Situé dans une région enclavée du Sud-Kivu, Kasaba est isolé du monde moderne : pas de route, pas de réseau téléphonique, seulement une desserte lacustre précaire. C’est donc à la rame que les premières informations ont atteint l’administration du territoire de Fizi.
Sammy Kalonji, administrateur du territoire, parle de « désastre humanitaire » et de « besoin urgent d’aide humanitaire, de secours médicaux, d’abris et de vivres ». Les appels à la solidarité nationale et internationale commencent à s’élever, mais dans un pays aux multiples crises, Kasaba risque de ne pas être prioritaire.
Un drame de plus dans une tragédie climatique

Ce drame n’est pas un fait isolé. La RDC, riche d’une nature majestueuse mais fragile, subit de plein fouet les effets du changement climatique, d’une urbanisation non planifiée et d’un abandon chronique des zones rurales. Des dizaines de localités vivent au bord du précipice, sans système d’alerte, sans digue, sans secours.
À Kasaba, les survivants enterrent leurs morts dans le silence, sous un ciel encore menaçant. Une femme, tenant dans ses bras les restes d’un matelas détrempé, murmure : « Il ne nous reste plus rien, même pas nos larmes. »
Et pourtant, la vie doit continuer. Mais à quel prix ? Et dans quel silence ?