Tensions entre le ministère de la Justice et les magistrats gabonais

Origines des tensions : un statut en attente
Les tensions entre le ministère de la Justice du Gabon et le Syndicat national des magistrats (Synamag) trouvent leurs racines dans le blocage de l’application du statut particulier des magistrats. Adopté pour garantir des avantages financiers et matériels essentiels, ce statut reste lettre morte. Lors de leur assemblée générale le 4 mars 2025, les magistrats ont réaffirmé leur intention de maintenir la grève, témoignant ainsi de leur impatience face à la stagnation depuis la suspension de leur mouvement en décembre 2022.
Landry Abaga Essono, président du Synamag, a déclaré : « À ce jour, nous n’avons rien obtenu ». Il a dénoncé l’inefficacité des négociations avec le ministère de la Justice. Les magistrats soulignent que, malgré l’adoption des textes réglementaires, aucune signature de l’exécutif n’est venue garantir la mise en œuvre des conditions de travail dignes qu’ils réclament. Cette impasse a causé une prolongation de leur grève, relancée en janvier 2025, et a aggravé les tensions déjà palpables.
Les revendications des magistrats sont claires : l’indemnité de judicature, un accès au logement et un siège à la table des instances décisionnelles. Si Paul-Marie Gondjout, ministre de la Justice, a tenté d’ouvrir le dialogue, ces gestes sont perçus par les magistrats comme insuffisants et inopportuns.

Conséquences sur le système judiciaire
La grève des magistrats entraîne des conséquences majeures sur le fonctionnement du système judiciaire au Gabon. Les avocats, réunis en assemblée générale, expriment leur inquiétude face à la paralysie des tribunaux. Le bâtonnier Raymond Obame Sima souligne que des justiciables, y compris des innocents, se retrouvent enfermés en prison, sans espoir de jugement imminent. Cette situation remet en cause l’accès à la justice, un droit fondamental.
Les avocats comprennent les frustrations des magistrats, mais affirment que le droit de grève ne devrait pas engendrer une halte totale de la justice. Me Obame Sima compare cette situation à une grève des médecins paralysant tous les hôpitaux, ce qui provoquerait un chaos immédiat. Les conséquences de cette grève touchent directement les justiciables, qui restent sans procès, et de nouvelles incarcérations se multiplient, sans garantie de jugement rapide.
Cette crise soulève des interrogations sur l’engagement du président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui avait promis une justice plus juste et efficace. Le danger d’une escalade des tensions au sein de la magistrature et la dégradation de la crédibilité du système judiciaire nécessitent une concertation réelle pour une issue durable.

Vers une résolution : enjeux et perspectives
Pour tenter d’apaiser cette crise, le gouvernement a constitué une commission tripartite destinée à dialoguer avec les magistrats en grève et à analyser leurs revendications. Composée de représentants de l’administration centrale, du Synamag et du Ministère des Comptes publics, cette commission a pour tâche de dégager des solutions acceptables. Néanmoins, les magistrats restent sceptiques quant à la réelle volonté du gouvernement de répondre à leurs attentes.
Les effets de cette grève dépassent le simple blocage du système judiciaire. Ils entraînent une fragilisation de la gouvernance et une montée de l’insécurité juridique, compromettant l’attractivité du Gabon pour les investisseurs étrangers. Le gouvernement a appelé à la suspension de la grève, soutenant que les conditions sont réunies pour trouver une issue. Cependant, la crédibilité du système judiciaire est plus que jamais mise en jeu.
Cette crise judiciaire représente un véritable test pour le pouvoir en place, à quelques semaines des élections présidentielles du 12 avril 2025. La nécessité d’un dialogue constructif et d’une réelle volonté politique pour restaurer la confiance entre les magistrats et l’État est plus urgente que jamais. Les magistrats affirment que leur lutte n’est pas capricieuse, mais vise à obtenir une justice digne et indépendante.