Sincérité ou complicité face à Tshisekedi ?
Par Prince Bertoua
Le ballet politique en République démocratique du Congo (RDC) prend une tournure des plus troublantes. Une délégation de prélats catholiques s’est rendue à Goma pour échanger avec Corneille Nangaa, ancien président controversé de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), aujourd’hui passé dans le camp des rebelles aux côtés du M23. Ce même homme que ces dignitaires de l’Église catholique avaient pourtant contribué à imposer à la tête de l’organe électoral en 2015, contre vents et marées.
Le contexte ? Un dialogue politique en gestation, voulu par certains comme une issue à la crise sécuritaire, mais perçu par d’autres comme une tentative de réhabilitation d’un homme qui, après avoir été le chef d’orchestre d’élections contestées en 2018, est désormais l’un des symboles de la collusion entre acteurs politiques et groupes armés.
Nangaa, des urnes aux armes

Si Corneille Nangaa est aujourd’hui dans le camp du M23, ce n’est pas par accident. Celui qui fut longtemps un rouage clé du système électoral congolais a su muter politiquement, profitant des failles de l’État pour s’inviter dans une nouvelle partie d’échecs. Avec le soutien présumé du Rwanda et de l’Ouganda, il est désormais au cœur des revendications d’une rébellion qui défie ouvertement Kinshasa.
Le voir aujourd’hui recevoir une délégation de l’Église catholique – institution jadis pilier de la dénonciation des fraudes électorales – soulève une question de fond : les évêques agissent-ils par sincère volonté de paix ou sont-ils rattrapés par leur propre passé ?
Les prélats catholiques : médiateurs ou otages de leur propre jeu ?L’Église catholique congolaise a souvent tenu un rôle ambigu sur l’échiquier politique. Tour à tour actrice morale, opposante du régime et force de proposition, elle a aussi été un acteur-clé dans la légitimation du processus électoral ayant conduit à l’accession de Félix Tshisekedi au pouvoir.
Mais aujourd’hui, en initiant un dialogue avec Nangaa, elle envoie un signal double. D’un côté, elle se positionne en faiseuse de paix, cherchant une issue à la crise dans l’Est du pays. De l’autre, elle ouvre la porte à une normalisation de l’ancien chef de la CENI, risquant de fragiliser la posture de fermeté du gouvernement face aux groupes armés.
Tshisekedi sous pression

Félix Tshisekedi, qui a toujours rejeté toute négociation avec le M23, se retrouve face à un dilemme. Accepter un dialogue incluant Nangaa et ses alliés rebelles serait un camouflet pour sa politique de souveraineté nationale. Refuser l’initiative des prélats pourrait lui aliéner une Église catholique influente, dont le soutien pèse lourdement dans la société congolaise.
Alors, cette visite à Goma est-elle une tentative sincère d’apaisement ou une manœuvre pour légitimer Nangaa comme acteur politique ? Une chose est sûre : la RDC, déjà embourbée dans des tensions électorales et sécuritaires, n’a pas fini de naviguer en eaux troubles.