Justice en attente : l’affaire Martinez Zogo

Un assassinat qui a choqué le Cameroun
Le 17 janvier 2023, l’enlèvement du journaliste d’investigation Martinez Zogo a secoué les fondements du paysage médiatique et politique camerounais. Cinq jours plus tard, son corps, découvert dans un état de décomposition avancée, a révélé les circonstances tragiques de sa mort. Ancien chef d’Amplitude FM, Zogo était réputé pour ses enquêtes sur des scandales financiers, le plaçant en première ligne d’un combat pour la liberté de la presse dans un pays où l’impunité prévaut.
Depuis ce drame, l’enquête a été entravée par des lenteurs et des défaillances judiciaires palpables. Des figures influentes, telles que Léopold Maxime Eko Eko, ancien responsable du contre-espionnage, et Jean-Pierre Amougou Belinga, un homme d’affaires lié au régime, sont suspectées d’avoir joué un rôle dans cette tragédie. Pourtant, malgré les preuves et une pression publique croissante, la justice demeure paralysée, laissant la famille de Zogo dans un désespoir accablant.
Cette situation soulève des interrogations fondamentales sur la détermination des autorités judiciaires à avancer sur un dossier aussi sensible. Des organisations telles que Reporters sans frontières demandent une accélération du procès, affirmant qu’il est impératif de rendre justice non seulement pour Zogo, mais aussi pour tous les journalistes au Cameroun.

Un procès au point mort
Deux ans après l’assassinat de Martinez Zogo, le procès des suspects, ouvert le 25 mars 2024, stagne. Le Tribunal militaire de Yaoundé a déjà vu défiler 17 personnes inculpées, mais des débats procéduraux ralentissent l’avancée des sessions. Les avocats de la défense soulèvent des exceptions qui prolongent les audiences, et la décision de la Cour d’Appel est toujours en attente.
Cette situation a suscité de vives critiques d’experts et d’observateurs. Vincent Sosthène Fouda, universitaire et homme politique, décrit une « lenteur inquiétante », indiquant que cette inertie s’explique moins par des préoccupations pour la justice que par des intérêts politiques et économiques. Selon lui, certaines entités cherchent à maintenir leur pouvoir par l’intimidation, entravant ainsi la quête de vérité dans cette affaire.
Le corps de Zogo reste scellé à la morgue de l’hôpital central de Yaoundé, empêchant ainsi sa famille de faire son deuil. Cette tragédie symbolise parfaitement l’impasse dans laquelle se trouve l’enquête et la lutte pour la justice au Cameroun. Les familles des victimes, souvent négligées, se retrouvent piégées dans un cycle de désespoir face à un système judiciaire plus soucieux de préserver l’ordre établi que de rechercher la vérité.

Les implications d’une justice entravée
Les répercussions de cette affaire s’étendent bien au-delà de la simple quête de justice pour Martinez Zogo. Elles soulèvent des problématiques essentielles sur la liberté de la presse et l’état de droit au Cameroun. L’assassinat de Zogo a provoqué une onde de choc, révélant les dangers auxquels sont confrontés les journalistes audacieux dans des enquêtes sur la corruption et les abus de pouvoir.
La lenteur du procès et les défaillances judiciaires créent un climat de peur parmi les journalistes et les citoyens. La perception d’une justice entravée peut dissuader d’autres journalistes de poursuivre des enquêtes similaires, au détriment de la transparence et de la responsabilité sociétale. La lutte pour la justice dans cette affaire devient ainsi un symbole de la lutte plus large pour la liberté d’expression au Cameroun.
Alors que l’enquête piétine, des interrogations subsistent : jusqu’où s’étendra l’impunité des puissants ? Les autorités judiciaires parviendront-elles à surmonter les obstacles et à rendre justice à Martinez Zogo ? Les réponses à ces questions seront déterminantes non seulement pour l’avenir de la justice au Cameroun, mais aussi pour la sécurité des journalistes dans un contexte de plus en plus hostile.