lundi 23 décembre 2024
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Critique de l’analyse du Professeur Rossatanga-Rignault

Le parti pris en faveur de la 5ème République

L’analyse du Professeur Guy Rossatanga-Rignault, bien que rigoureusement articulée et solidement documentée, ne peut être lue sans tenir compte de son contexte politique. En tant que Secrétaire Général de la Présidence et « soutien affiché » de la nouvelle Constitution, son propos s’inscrit nécessairement dans une logique de légitimation. Cette position d’autorité politique, couplée à sa stature académique, donne à ses arguments une portée à la fois juridique et symbolique, mais elle en biaise également l’objectivité.

Une analyse au service de la légitimation politique

Le professeur s’emploie à démontrer, sur une base juridique et historique, que l’adoption de la Constitution du 16 novembre 2024 marque l’entrée du Gabon dans sa 5ème République. Pourtant, cette démonstration semble moins motivée par une analyse neutre que par la nécessité de construire une symbolique politique forte autour de la nouvelle Constitution.

Construction symbolique versus réalité politique

L’importance accordée au « mythe fondateur » dans son argumentation ne doit pas passer inaperçue. Rossatanga-Rignault compare implicitement la nouvelle République gabonaise à des précédents historiques comme la France, où chaque changement de République a été marqué par des crises majeures et des ruptures politiques profondes.

Critique

Comparer la Constitution gabonaise de 2024 aux changements de République en France est fallacieux : les changements de République en France (1792, 1848, 1870, 1946, 1958) sont issus de crises institutionnelles majeures qui ont profondément transformé le paysage politique, économique et social. Or, la Constitution gabonaise de 2024 s’inscrit davantage dans une continuité institutionnelle teintée d’une volonté de recentralisation du pouvoir exécutif, que dans une rupture démocratique réelle.

Il s’agit moins ici d’un « mythe fondateur » que d’une instrumentalisation du symbolisme républicain pour renforcer la légitimité d’une réforme politique émanant du pouvoir en place.


Le décompte des Constitutions : un argument contestable

Le professeur Rossatanga adopte une approche arithmétique pour justifier l’existence d’une 5ème République : il dénombre les Constitutions gabonaises depuis 1959 et conclut que la Constitution de 2024 constitue la cinquième. Or, cette approche masque une réalité plus complexe.

Révision majeure ou nouvelle Constitution ?

Rossatanga reconnaît lui-même que certaines révisions de la Constitution de 1961 ont eu un impact considérable sur le fonctionnement des institutions, à l’image des modifications de 1975 et 1991. Toutefois, il maintient que ces révisions n’étaient pas fondatrices d’une nouvelle République.

Critique

Où placer la frontière entre une révision constitutionnelle majeure et une nouvelle Constitution ? L’histoire gabonaise montre que certaines révisions ont bouleversé la nature même du régime, notamment en renforçant le pouvoir exécutif (régime présidentiel) ou en instaurant un parti unique (1975). Ces révisions auraient pu être considérées comme le début de nouvelles Républiques si l’on appliquait des critères plus matériels que formels.

Cette distinction rigide adoptée par Rossatanga sert surtout à légitimer la nouvelle Constitution de 2024 comme un événement historique unique, alors qu’il pourrait s’agir d’une révision substantielle déguisée en nouvelle fondation.

Le silence sur le caractère inclusif du processus

Rossatanga-Rignault ne questionne pas la nature participative du processus ayant abouti à la Constitution de 2024. Pourtant, une nouvelle République ne se résume pas à l’adoption d’un texte fondamental, elle suppose un consensus national large.

Critique

Dans quelle mesure la nouvelle Constitution a-t-elle été le fruit d’un débat national inclusif et transparent ? Le référendum mentionné pourrait être perçu comme une validation formelle d’un texte imposé par l’exécutif plutôt que comme une consultation démocratique authentique.

Ignorer cette question réduit l’analyse à une justification technique qui évite de s’interroger sur la légitimité politique et sociale du texte.


Une réflexion insuffisante sur la nature de la 5ème République

Le professeur s’attache avant tout à démontrer l’existence d’une 5ème République, mais il reste silencieux sur la nature du régime instauré par la Constitution de 2024.

Continuité présidentialiste

Historiquement, le Gabon a évolué vers un présidentialisme renforcé, avec un exécutif centralisé et des contre-pouvoirs souvent affaiblis. L’analyse de Rossatanga ne s’interroge pas sur la capacité de la nouvelle Constitution à :

Renforcer l’équilibre des pouvoirs

Garantir une séparation claire entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ; Protéger efficacement les droits fondamentaux et les libertés publiques.

Critique

Le silence de l’auteur sur ces questions est révélateur d’un parti pris favorable à la nouvelle Constitution. En tant que soutien du pouvoir en place, Rossatanga-Rignault se concentre sur la dimension symbolique de la 5ème République pour en occulter les limites structurelles.

Il aurait été pertinent d’analyser en quoi la Constitution de 2024 diffère réellement des précédentes, notamment sur le plan de la démocratisation du régime et de l’inclusivité des institutions.


Une absence d’évaluation critique du contexte politique

Rossatanga-Rignault ignore volontairement le contexte politique tendu dans lequel la Constitution de 2024 a été adoptée. Depuis plusieurs années, le Gabon traverse une période marquée par :

Des crises électorales récurrentes ;Un manque de confiance des citoyens envers les institutions ;Des accusations de centralisation excessive du pouvoir exécutif.

Critique

L’absence de réflexion sur ce contexte affaiblit la crédibilité de l’analyse. Une nouvelle République ne saurait se construire sans répondre aux attentes de transparence, d’équité et d’inclusivité des citoyens.

Présenter la Constitution de 2024 comme un simple changement de République sans interroger sa capacité à résoudre ces crises politiques revient à légitimer le statu quo institutionnel sous couvert de renouveau symbolique.

Conclusion générale

L’analyse de Guy Rossatanga-Rignault, bien qu’érudite et riche en références historiques, est marquée par un parti pris évident en faveur de la nouvelle Constitution. En tant que Secrétaire Général de la Présidence, il se place davantage dans une posture de légitimation politique que d’analyse critique objective. En se focalisant sur des arguments formels et symboliques, il évite les questions fondamentales :

En quoi la Constitution de 2024 marque-t-elle une véritable rupture démocratique ? Quels mécanismes garantissent l’équilibre des pouvoirs et la confiance citoyenne ? Le processus d’adoption a-t-il été suffisamment inclusif pour fonder une nouvelle République légitime ?En l’absence de réponses à ces interrogations, la 5ème République apparaît davantage comme un outil politique de consolidation du pouvoir que comme une refonte véritable des institutions gabonaises. https://www.gouvernement.ga/object.getObject.do?id=3958

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