Il ne s’agit pas d’une supposition ou encore moins d’une information de quartier comme on le dit souvent à libreville ou Douala mais plutôt une image inattendue qui a circulé sur les réseaux sociaux dans cette nuit d’hier à aujourd’hui 16 Mai : Ali Bongo Ondimba, l’ancien président gabonais, s’affichant souriant à sa descente d’un avion angolais, accompagné de son épouse Sylvia et de leur fils Nourredin. Tous trois ont quitté Libreville pour s’installer à Luanda, capitale de l’Angola, où ils vivront désormais en exil, tournant définitivement la page d’un pouvoir qui aura duré près de 14 ans, prolongement d’une dynastie familiale vieille de plus d’un demi-siècle.

Cloîtré dans sa résidence depuis sa chute le 30 août 2023, l’ancien chef d’État apparaît affaibli, marchant à l’aide d’une canne, mais soulagé. Vingt mois de silence, de réclusion, et d’effacement progressif de la scène publique après le coup d’État militaire dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, aujourd’hui président élu.
Un départ discret, une fin politique assumée

Ali Bongo avait déjà annoncé, dans une lettre ouverte en 2024, son retrait définitif de la vie politique, demandant la libération de sa famille détenue, qualifiant leur arrestation d’arbitraire. Ce geste symbolique de départ vers l’Angola vient acter cette sortie de scène. Sylvia Bongo, longtemps considérée comme une figure d’influence au palais présidentiel, et leur fils Nourredin, présenté par beaucoup comme le dauphin désigné, l’accompagnent dans cet exil.Mais ce départ en exil volontaire ne saurait faire oublier les années sombres de son régime.
Un régime marqué par la répression et la peur

Sous le pouvoir d’Ali Bongo, nombre d’opposants ont connu l’exil, la prison ou les pressions. L’élection contestée de 2016, qui s’est soldée par une violente répression à Libreville et des dizaines de morts, reste un souvenir douloureux pour les Gabonais. Les opposants politiques tels que Jean Ping, Guy Nzouba-Ndama ou Bertrand Zibi Abeghe ont tour à tour dénoncé des persécutions ciblées. Ce dernier a d’ailleurs été incarcéré durant plus de cinq ans dans des conditions dénoncées par de nombreuses ONG.
Les organisations de la société civile ont aussi payé un lourd tribut : manifestations interdites, journalistes intimidés, coupures d’internet, perquisitions illégales.
Le régime d’Ali Bongo a souvent utilisé les leviers de l’État pour museler la dissidence et contrôler l’opinion.
L’exil comme refuge, mais pas comme oubli

Aujourd’hui, l’exil d’Ali Bongo en Angola n’est pas qu’un départ physique. Il est aussi une échappatoire face à une justice gabonaise qui pourrait être tentée, à l’avenir, de rouvrir certains dossiers de corruption, de répression ou d’abus de pouvoir.
L’actuel président, Brice Clotaire Oligui Nguema, a promis rupture et transparence, même si son score écrasant à la dernière élection continue d’interroger sur les garanties démocratiques à long terme.Mais pour les Gabonais, cette scène du 16 mai reste un tournant : l’homme qui incarnait le pouvoir absolu pendant plus d’une décennie, celui dont le régime refusait la critique, quitte silencieusement le pays qu’il a gouverné d’une main de fer.
La fin d’une ère, certes. Mais aussi le début d’un devoir de mémoire et, espèrent beaucoup, de justice.