L’image restera gravée dans les mémoires : Brice Clotaire Oligui Nguema, main droite levée, prêtera serment devant le peuple gabonais et le monde ce samedi 3 Mai, à l’issue d’une élection qu’il a remportée avec 94,85 % des voix. Une cérémonie sobre, mais lourde de symboles et de promesses. Désormais élu au suffrage universel, celui qui a tourné la page de 56 ans de règne dynastique entamera un mandat de sept ans sous haute pression.
Car au-delà de l’enthousiasme de ses partisans et de la légitimation par les urnes, c’est un pays en attente qui se lèvera dimanche 4 Mai. Un pays fatigué par des décennies d’inégalités, de promesses trahies et d’injustices sociales. Un pays qui exige des résultats.
Un rêve de justice sociale et de dignité retrouvée

« Ce qu’on attend, ce n’est pas des discours, mais du concret », tranche d’une voix ferme Charles Mbadinga, enseignant à Port-Gentil. « L’éducation est sinistrée, les écoles s’écroulent, et nos enfants ont des attentes. »
Dans les rues de Libreville, l’euphorie post-électorale laisse rapidement place à une lucidité désarmante. Les jeunes, en première ligne des frustrations, réclament du travail, mais aussi une place dans le projet national. « Le président a parlé de 163 000 emplois à venir, c’est bien. Mais que cela ne reste pas sur le papier ! », martèle Dorine Ella, jeune diplômée au chômage.
Réformes institutionnelles : une République à rebâtir

Oligui Nguema n’a pas attendu son investiture pour imprimer sa marque. Le référendum constitutionnel de novembre 2024 a redessiné les contours d’un pouvoir plus encadré : sept ans renouvelables une seule fois, et fin de la transmission familiale du pouvoir. Une réponse aux critiques d’un passé marqué par les dérives monarchiques.
« Cette réforme, c’est un verrou démocratique. Maintenant, il faut que la séparation des pouvoirs soit réelle, et que la justice soit libre », insiste Me Adrien Ekoua, avocat au barreau de Libreville.
Défis économiques : entre méga-projets et attentes locales

Sur le front économique, le président mise gros : port en eau profonde de Mayumba, ligne de chemin de fer Bélinga-Mayumba, barrage hydroélectrique de Boué. Des projets phares censés redynamiser l’économie et créer de l’emploi.
Mais pour les Gabonais du quotidien, les urgences sont ailleurs : routes impraticables, hôpitaux sans médicaments, électricité rationnée. « On parle de port et de chemin de fer, mais on ne peut même pas aller de Lambaréné à Oyem sans passer par l’enfer », ironise Samuel Mve, chauffeur de taxi.
Un pacte environnemental sous surveillance

Le nouveau président a également évoqué un tournant écologique, avec la mise en place d’une taxe carbone pour les compagnies aériennes et maritimes. Une initiative applaudie par les ONG, mais qui reste floue dans ses modalités et ses effets concrets.
2025-2032 : sept années pour transformer l’essai

Brice Clotaire Oligui Nguema entame donc un septennat historique, à la croisée des chemins entre espérance et vigilance. Il hérite d’un pays riche, mais profondément blessé par des années de gestion clanique.
Le peuple gabonais, longtemps tenu à l’écart des décisions majeures, a repris la parole. Et il entend bien la garder. Pour le président, il s’agit désormais non plus de convaincre, mais de servir. À hauteur d’homme.
« Nous avons renversé un système, maintenant il faut construire une nation », souffle une femme âgée devant le palais du bord de mer. Le Gabon, lui, a déjà commencé à écrire cette nouvelle page.