Sur le continent africain, le pouvoir ne s’enracine pas uniquement dans les textes de loi ou dans les urnes. Il plonge aussi ses racines dans des forces invisibles, ancrées dans les traditions et les croyances ancestrales. Dans plusieurs pays, la légitimité politique se construit autant devant les institutions républicaines que devant les autels spirituels de la tradition.
Si la majorité des chefs d’État africains prêtent serment sur la Constitution, parfois accompagnés de la Bible ou du Coran, nombreux sont ceux qui, en coulisses, s’en remettent aux pratiques ancestrales pour asseoir leur autorité. Entre serment républicain et bénédictions rituelles, l’exercice du pouvoir prend souvent une double dimension : celle du droit positif, et celle du sacré.
Le cas du Gabon est emblématique. Élu président de la République avec 94,85 % des suffrages, Brice Clotaire Oligui Nguema a prêté serment le 3 mai dernier dans le respect des règles constitutionnelles. Mais, fait notable, il a également pris part à un rituel traditionnel en public, marquant avec force son attachement aux valeurs culturelles profondes du Gabon. Catholique pratiquant, le président n’a pas hésité à conjuguer foi chrétienne et enracinement ancestral, dans un geste chargé de symbolisme.
Car au-delà des apparences, nombreux sont ceux qui, dans les cercles du pouvoir, estiment que gouverner exige une protection qui dépasse la logique des lois. Une « sécurité invisible », faite de rites de consécration, de bénédictions d’anciens ou de pactes spirituels, permettrait de protéger le dirigeant contre les forces hostiles – visibles ou non.
Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre à l’Afrique. En Occident, certaines élites politiques sont soupçonnées – parfois avec des preuves tangibles – d’entretenir des liens étroits avec des cercles ésotériques, notamment maçonniques. Là aussi, le pouvoir semble chercher une forme de légitimation ou de blindage dans le symbolisme et le rituel.
Au fond, ces pratiques révèlent une vérité universelle : dans toutes les civilisations, le pouvoir s’entoure de mystère pour mieux se protéger, se pérenniser et asseoir son autorité. Si les Constitutions donnent forme à l’État, les traditions, elles, donnent parfois une âme au pouvoir. https://www.persee.fr/doc/sciso_1168-1446_1996_num_39_1_1294#:~:text=Le%20pouvoir%2C%20institu%C3%A9%2C%20se%20sert,d’organisation%20et%20une%20p%C3%A9rennit%C3%A9.
