Si l’hospitalité était un art, l’Afrique en serait indubitablement le plus grand chef-d’œuvre. Moi, Prince Bertoua – ainsi que je me plais à me faire appeler –, né sous le nom bien moins pompeux de Jean Pascal Bertoua Bindang, j’en suis un témoin éloquent. Laissez-moi vous narrer une mésaventure qui, au-delà de la frayeur initiale, s’est transformée en ode à cette terre de générosité.

Je suis venu au monde en ce glorieux jour du 28 mars 1981, fruit des amours imprudentes de deux lycéens trop jeunes pour embrasser le rôle de parents. Mes grands-parents, eux, eurent la lourde tâche de faire de moi un homme, ce qu’ils accomplirent avec la sagesse propre aux âmes usées par le temps. Après leur disparition, la vie, dans son infinie malice, m’expédia à Douala chez une tante que la maternité tardive n’avait pas forcément préparée à l’arrivée d’un adolescent.

Ma scolarité s’arrêta net en classe de seconde, non par choix, mais par nécessité. La débrouillardise devint mon alliée, et c’est dans le journalisme que je trouvai une échappatoire, un frisson, une vocation. À vingt et un ans, je foulais le terrain en qualité de reporter amateur, capturant avec passion les bribes de réalité qui faisaient vibrer Douala. Puis, après quelques pérégrinations dans la presse locale, j’obtins un poste officiel, couronné d’un salaire royal de… 40 000 francs CFA. Qu’importe la modicité de cette somme, l’essentiel était ailleurs : j’avais trouvé mon Graal.
Hier matin, cependant, mon aventure prit une tournure moins reluisante. De retour de Tchibanga , j’ai dû m’arrêter à Lambaréné , le destin – ce farceur invétéré – décida de me dépouiller de mes moyens financiers, me contraignant à errer dans cette ville inconnue. Que fait donc un homme sans le sou et sans toit ? Il se réfugie dans ce sanctuaire universel : le bar.

C’est ainsi que j’y fis la connaissance de Ghislain, un pêcheur de 33 ans, dont la générosité frôlait l’indécence. Après maintes discussions arrosées, ce bienfaiteur improvisé m’offrit non seulement un toit pour la nuit, mais également le confort de ses modestes studios. J’y dormis comme un prince – du moins, comme un prince Bertoua.
Morale de l’histoire ? L’Afrique est une terre d’hospitalité. Là où d’autres continents cloisonnent, filtrent et suspectent, notre terre-mère accueille, partage et honore. Mes chers lecteurs d’Africacoeurnews, qu’on se le dise : en Afrique, l’inconnu est un frère qu’on n’a pas encore rencontré.