Défis économiques de la Cemac : la crise de surendettement
Une situation économique alarmante
La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) fait face à de turbulences économiques sans précédent. Au cœur de cette tourmente, le Cameroun et le Gabon sont englués dans une crise de surendettement. Une menace pour leur stabilité, mais aussi pour celle de la région. Selon la Banque mondiale, la croissance régionale, qui était de 3,1 % en 2022, est tombée à 1,7 % en 2023. Cette chute dramatique s’explique en grande partie par un effondrement des activités pétrolières, notamment en Guinée équatoriale, associé à une gestion économique déficiente.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : des ratios de dette rapportés au PIB dépassent les 70 % au Gabon et au Congo, entravant la capacité des États à financer des services publics essentiels. Les déficits budgétaires persistants aggravent cette situation, négligeant encore plus les besoins fondamentaux. Les fonctionnaires, par exemple, subissent des arriérés de salaire. Cette réalité illustre l’incapacité à gérer les ressources financières. Le spectre d’une dévaluation du franc CFA plane, pouvant engendrer une flambée des prix et altérer le pouvoir d’achat des ménages déjà modestes.
Une réunion décisive des chefs d’État de la Cemac se tiendra le 16 décembre 2024 à Yaoundé. Les décisions qui en ressortiront seront cruciales pour éviter une aggravation de la crise économique, rappelant les difficultés similaires d’il y a quelques années.
Les causes profondes de la crise
Pour saisir la complexité de cette crise, il est indispensable d’analyser les causes sous-jacentes. Le Pr Viviane Madeleine Ondoua Biwolé, experte en gouvernance, a récemment publié des travaux révélateurs. Parmi les facteurs notables, le rachat anticipé de l’Eurobond 2025 du Gabon se distingue. Bien que le gouvernement gabonais prétende que cette démarche vise à alléger la dette, son timing interroge, survenant en pleine diminution des réserves extérieures.
Par ailleurs, le faible rapatriement des recettes d’exportation ainsi que le reprofilage de la dette du Congo viennent s’ajouter à l’ensemble des éléments qui sont à l’origine du désastre. Ensemble, ces problèmes compliquent les décisions entre réduire la dette et investir localement. Une nécessité de réformes structurelles se fait sentir, mais ces changements exigent des sacrifices politiques que les dirigeants hésitent à envisager.
Les attentes des bailleurs de fonds, tel que le FMI, soulignent l’urgence d’un engagement fort pour débloquer des soutiens budgétaires. Pourtant, la mise en œuvre de ces voiles de réforme est bien souvent compliquée par des tensions sociales croissantes, ancrées dans un chômage élevé et une économie informelle qui sape l’efficacité des politiques publiques.
Perspectives d’avenir et enjeux politiques
À l’approche de cette réunion cruciale, l’horizon économique pour la Cemac s’assombrit. Les dirigeants doivent naviguer à travers un paysage complexe, où chaque décision peut laisser des cicatrices durables sur la région. La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) anticipe que les réserves de change diminueront à 4,5 mois d’importations en 2024, une situation potentiellement explosive si les mesures nécessaires ne sont pas prises en urgence.
Les réformes structurelles, bien que cruciales, nécessitent un consensus politique qui semble difficile à atteindre actuellement. L’ambiance sociale, déjà tendue par les arriérés de salaires et un chômage croissant, pourrait dissuader les dirigeants d’adopter des mesures impopulaires. De plus, la peur d’une dévaluation du franc CFA pourrait inciter les gouvernements à repousser des décisions vitales, craignant de provoquer des troubles sociaux.
Il est donc crucial que les chefs d’État de la Cemac adoptent une approche proactive en décembre. Oser des réformes ambitieuses et explorer des solutions novatrices pour booster la croissance économique sera vital pour éviter une répétition de la crise de 2016. Les enjeux sont élevés, et l’avenir économique de la Cemac dépendra de la détermination de ses dirigeants à agir avec vision et courage.