La Paradoxe Gabonais : Richesse Nationale en Hausse, Pauvreté Persistante
Une Croissance Démographique Écrasante
Le Gabon, au cours des dernières décennies, a connu une croissance démographique fulgurante. Entre 1995 et 2020, sa population a bondi de 1,2 million à 2,3 millions d’habitants. Cette augmentation a eu un impact direct sur la richesse par habitant, qui a chuté de près de 35 %. Bien que la richesse nationale ait augmenté de 35 %, la répartition des ressources ne suit pas le même rythme. Cela crée un déséquilibre, rendant difficile l’accès équitable aux bénéfices économiques.
La situation est d’autant plus préoccupante que la majorité des nouveaux arrivants sur le marché du travail se heurtent à un système déjà saturé. Les jeunes, représentant une part considérable de la population, se retrouvent souvent sans emploi ou avec des perspectives limitées. Selon la Banque mondiale, le taux de chômage au Gabon est alarmant, atteignant environ 20 %. Cette réalité illustre l’incapacité de l’économie à créer des emplois en suffisance pour une population croissante.
Cette conjoncture crée un cercle vicieux : la croissance démographique, au lieu d’être un levier de progrès, devient un frein à l’amélioration des conditions de vie. Beaucoup de Gabonais, et particulièrement les jeunes, se retrouvent alors coincés dans une paradoxale situation où la richesse nationale est loin de se traduire par une prospérité individuelle.
Un Modèle Économique Fragile
Historiquement, le Gabon a fondé son économie sur l’exploitation de ses richesses naturelles, en particulier le pétrole et les minerais. Si ce modèle a engendré une hausse de la richesse nationale, il a aussi entraîné une dépendance excessive à des secteurs peu propices à l’emploi. Par conséquent, la croissance économique se concentre dans des domaines capitalistiques, négligeant ceux qui peuvent générer de l’emploi, comme l’agriculture ou le tourisme.
Cette dynamique a des effets pernicieux sur les inégalités sociales. Les profits tirés des ressources naturelles ne sont pas distribués équitablement, alimentant ainsi un sentiment d’injustice parmi la population. Près de 34,6 % des Gabonais vivent en dessous du seuil de pauvreté, malgré une richesse nationale en expansion. Bien que les investissements dans les infrastructures et les services sociaux existent, ils restent insuffisants pour améliorer réellement la vie des plus vulnérables.
La Banque mondiale met en avant le manque de diversification économique comme un obstacle majeur à la conversion des ressources naturelles en capital humain et productif. Sans une stratégie claire pour diversifier son économie, le Gabon risque de sombrer dans un cycle de croissance inégale et de pauvreté persistante.
La Nécessité de Réformes Structurelles
Face à ces obstacles, la Banque mondiale presse le Gabon d’engager des réformes structurelles urgentes, surtout pour améliorer la gouvernance des ressources naturelles et renforcer les services publics. Parmi les recommandations, le retour à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) en 2025 se révèle essentiel. Loin de se limiter à la gestion des revenus, cette initiative pourrait favoriser la réduction des inégalités et renforcer la confiance des citoyens envers leurs institutions.
Par ailleurs, il est crucial d’accroître les dépenses sociales, qui ont chuté à 18,2 % du budget révisé en 2024. Ces fonds sont nécessaires pour investir dans le capital humain, notamment en éducation et en santé, afin de préparer les Gabonais à un marché de l’emploi en constante évolution. De plus, l’absence d’un registre social national entrave l’identification des populations éligibles pour les programmes d’assistance, ce qui doit être corrigé pour rendre ces interventions plus efficaces.
En somme, le Gabon se trouve à un tournant décisif. La hausse de la richesse nationale ne doit pas occulter les réalités sociales difficiles. Des réformes audacieuses et un engagement politique fort sont essentiels pour transformer cette richesse en opportunités tangibles pour tous les Gabonais. La question qui persiste : le pays saura-t-il saisir cette chance pour bâtir un avenir inclusif et équitable ?
