Depuis plusieurs jours, le Gabon bruisse de conversations passionnées autour d’un supposé détournement de 48.000 tonnes de manganèse au port d’Owendo. Une rumeur si virale qu’elle a franchi les frontières, s’invitant jusque dans les médias ivoiriens et camerounais, alimentant débats, indignations et théories sur un nouveau scandale économique.
Mais derrière le tumulte médiatique, la réalité semble bien différente.
Le poids du désordre informationnel

Comme l’a si justement analysé Boursier Tchibinda dans sa note de 2024, « nous vivons désormais à l’ère du désordre informationnel ». Cette affaire en est une illustration parfaite : un titre sensationnel, amplifié par les réseaux sociaux, qui supplante la vérité avant même que celle-ci ne puisse émerger.
C’est dans cette même logique d’analyse que Philippe Arsène Ovono, observateur avisé des dynamiques médiatiques gabonaises, revient sur cette affaire pour en démêler les faits et les interprétations. Pour lui, cet épisode révèle à quel point la vitesse de propagation de l’erreur dépasse désormais celle de la vérité.
Ce qui s’est réellement passé au port d’Owendo

Selon des sources concordantes et des documents consultés par Gabon Media Time, le navire Jacob H avait bel et bien chargé 52.000 tonnes de manganèse, et non 48.000, après avoir accompli toutes les formalités douanières requises.
Le problème est survenu après le chargement, lorsqu’un désaccord financier a éclaté entre le commandant du navire et une société privée de remorquage chargée d’assurer son assistance technique.
Cette dernière aurait présenté une facture jugée “exorbitante” par le pilote, qui aurait alors décidé de quitter le port sans régler le montant dû, et surtout sans suivre le protocole réglementaire de sortie, un manquement grave au code maritime.
Ce délit de fuite, pour reprendre les termes employés par les autorités portuaires, est donc une infraction administrative et technique, mais aucun manganèse n’a été volé ni détourné.
Des responsabilités à établir

Les autorités maritimes gabonaises auraient ouvert une enquête pour déterminer les responsabilités du capitaine et d’éventuelles complicités locales ayant permis cette sortie non autorisée.
Le navire, quant à lui, reste identifié et suivi par les systèmes de surveillance maritime internationaux, preuve qu’il ne s’agit en rien d’une disparition frauduleuse.
Le rôle des médias et le devoir de recul

Dans cette affaire, une fois encore, la vérité a pris du retard sur la vitesse des partages. Entre rumeurs, approximations et emballements numériques, l’information brute a été déformée, instrumentalisée, parfois même amplifiée par des sources en quête de sensation.
« Merci à ces journalistes qui prennent encore le temps de vérifier, de croiser les faits, et de replacer le réel au-dessus du bruit », confie un analyste du secteur minier.
Le public, quant à lui, est invité à lire avec recul, sans émotion, et à comprendre que la viralité d’une information ne garantit jamais sa véracité.
En conclusion
L’affaire des 48.000 tonnes de manganèse n’est pas un scandale minier, mais une leçon de vigilance médiatique.
À l’ère du clic et du partage, il devient urgent de réhabiliter la patience de la vérification.
Comme le souligne Philippe Arsène Ovono, “la vérité n’a pas besoin de bruit pour exister, seulement de rigueur pour survivre.”


