Alors que la transition politique gabonaise continue de redessiner les équilibres institutionnels du pays, c’est sur le terrain pétrolier que le Gabon affirme aujourd’hui son volontarisme. À Dubaï, lors des récentes Journées africaines du pétrole, Libreville a marqué de précieux points. Investissements, négociations contractuelles et renforcement des capacités nationales s’y sont conjugués pour faire émerger une diplomatie énergétique nouvelle, mais non sans interrogations.
Le Gabon, en quête de maîtrise contractuelle
C’est dans l’un des temples mondiaux du pétrole, Dubaï, que s’est tenue du 28 au 31 mai 2025 la 3ᵉ édition des Journées africaines du pétrole. Portées par le cabinet gabonais 3M-Partners & Conseils, ces rencontres ont rassemblé plusieurs pays producteurs autour d’un enjeu stratégique : le renforcement du pouvoir contractuel des États africains face aux grandes compagnies pétrolières.
Accompagnés d’experts internationaux, dont S&P Global, les représentants du Gabon y ont abordé les Contrats de Partage de Production (CPP), ces textes techniques qui régissent l’exploitation des ressources du sous-sol. Objectif : permettre aux administrations africaines de mieux négocier, contrôler et faire appliquer les clauses contractuelles.
« Il s’agit désormais d’aligner la technique sur la souveraineté », a confié un conseiller du ministère gabonais du Pétrole à Africa Cœur News.
Un partenariat stratégique… mais sous tension
Le Gabon ne s’est pas limité à la formation. À Dubaï, un contrat stratégique a été signé entre Gab’Oil (filiale de la Gabon Oil Company) et Al Asma Group, un conglomérat émirati. Ce partenariat vise à garantir l’importation continue de produits pétroliers raffinés : essence, gasoil, GPL, kérosène, lubrifiants.
Mais ce contrat suscite déjà la polémique. Selon plusieurs sources, il aurait été attribué sans appel d’offres, en violation du Code des marchés publics de 2018. Une procédure « de gré à gré » qui fait craindre un retour à des pratiques opaques.
Une coalition de la société civile appelle déjà à la transparence sur les clauses, les quantités, les prix et les mécanismes de suivi.
Vers une hausse de production avec “Mabomo”
Autre fait marquant de la présence gabonaise à Dubaï : la réception d’une unité mobile de production offshore, baptisée Mabomo. Cet équipement de haute technologie sera prochainement installé sur les champs Dusafu (exploités par BW Energy, Panoro Energy et Gabon Oil Company), avec pour objectif de relancer jusqu’à 30 000 barils/jour.
Une montée en puissance qui pourrait placer le Gabon dans une meilleure posture de négociation régionale, à condition d’éviter les écueils d’une croissance désarticulée et non inclusive.
Transparence, enjeu-clé de la crédibilité
Sur le plan institutionnel, Libreville multiplie les signes d’ouverture. Depuis peu, le gouvernement s’est engagé à rendre publics tous les contrats miniers, forestiers et pétroliers, en conformité avec les normes du FMI et de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).
Mais dans le même temps, une enquête journalistique indépendante pointe des relations troubles entre certains responsables gabonais et des groupes émiratis. Notamment autour de l’attribution de marchés pétroliers sensibles, évoquant la possible résurgence de réseaux d’influence issus de l’ère Bongo.
Conclusion : entre souveraineté retrouvée et devoir de vigilance
Ce que le Gabon construit aujourd’hui à Dubaï est ambitieux. Le pays semble vouloir conjuguer autonomie technique, valorisation nationale et diplomatie énergétique proactive. Les outils sont là, les intentions affichées. Mais entre les accords stratégiques et les réalités de gouvernance, il y a parfois une marge.
La balle est désormais dans le camp de la société civile, des journalistes, des parlementaires, pour garantir que chaque baril produit ou importé serve les intérêts du peuple gabonais, et non ceux d’un cercle restreint. https://convergenceafrique.net/2025/06/06/le-gabon-a-dubai-une-vision-manageriale-affirmee-aux-journees-petrole-2025/
