Moscou franchit une nouvelle étape dans son rapprochement avec Téhéran. Jeudi, le président russe Vladimir Poutine a soumis à la Douma l’accord de partenariat stratégique global conclu avec l’Iran pour ratification. Cette décision, qui intervient quelques semaines après la visite du président iranien Massoud Pezeshkian à Moscou, marque un tournant majeur dans les relations entre les deux puissances, à un moment où elles font face à des sanctions croissantes de la part des États-Unis et de leurs alliés.
Un accord stratégique mais prudent sur la défense

L’accord, composé de 47 articles, vise à consolider la coopération bilatérale dans divers domaines, notamment la sécurité et la défense. Toutefois, contrairement au pacte signé par la Russie avec la Corée du Nord en 2023, ce texte ne comporte aucune clause d’assistance militaire mutuelle en cas d’attaque. Une prudence qui reflète peut-être la volonté des deux États d’éviter une confrontation frontale avec l’Occident tout en consolidant leur partenariat.
L’article 3 du document souligne cette approche mesurée : si l’un des signataires est victime d’une agression, l’autre s’engage à ne fournir aucune aide militaire à l’assaillant et à privilégier un règlement du conflit dans le cadre du droit international. En revanche, l’article 4 établit une coopération renforcée dans le domaine du renseignement et de la sécurité, un point essentiel à l’heure où Moscou et Téhéran sont confrontés aux mêmes défis, notamment la surveillance des réseaux occidentaux et la lutte contre les ingérences étrangères.
Un front commun contre les sanctions occidentales

L’un des aspects les plus notables de l’accord concerne l’économie. Dans l’article 19, Moscou et Téhéran condamnent explicitement les sanctions unilatérales imposées par des pays tiers, les qualifiant d’« illégales et inamicales ». Une déclaration qui vise sans détour les mesures punitives américaines et européennes.
Mais au-delà des mots, l’accord prévoit des mesures concrètes pour contourner ces restrictions. L’article 20 engage les deux États à renforcer leur coopération bancaire et à développer une infrastructure de paiement indépendante des circuits financiers dominés par l’Occident. L’objectif est clair : réduire leur dépendance au dollar et favoriser les transactions en monnaies nationales. Une stratégie déjà en cours dans les échanges énergétiques entre la Russie et certains de ses partenaires asiatiques.
Une alliance aux contours pragmatiques

Ce nouvel accord remplace le précédent traité de coopération signé en 2001 et renouvelé automatiquement tous les cinq ans. Il intervient dans un contexte de rapprochement accéléré entre Moscou et Téhéran, notamment sur le plan militaro-technique. Depuis le début du conflit en Ukraine, l’Iran a fourni à la Russie des drones de combat utilisés sur le front, tandis que la Russie soutient activement le programme nucléaire civil iranien.
Cependant, malgré cette convergence d’intérêts, la Russie veille à ne pas transformer cette alliance en un engagement militaire automatique. Une posture qui traduit une lecture réaliste des rapports de force mondiaux : Moscou cherche à renforcer son partenariat avec Téhéran sans pour autant s’aliéner d’autres puissances régionales comme la Turquie ou l’Inde, qui entretiennent des relations complexes avec l’Iran.
Vers un axe Moscou-Téhéran plus influent ?

En pleine recomposition géopolitique, cet accord illustre la volonté de la Russie et de l’Iran de s’adapter à un monde multipolaire où l’Occident ne dicte plus seul les règles du jeu. Si sa ratification par la Douma ne fait aucun doute, sa mise en œuvre sera scrutée de près, notamment par Washington et Bruxelles, qui voient dans ce partenariat une menace pour l’efficacité de leurs sanctions.
Avec ce pacte, Moscou et Téhéran se donnent les moyens de résister aux pressions extérieures. Mais cette alliance pragmatique saura-t-elle dépasser les défis internes et les divergences stratégiques qui subsistent entre les deux pays ? L’avenir le dira.