Un tournant stratégique pour le secteur énergétique
Par Prince Bertoua
Dans un mouvement qui marque un tournant décisif pour le paysage énergétique burkinabè, TotalÉnergies a annoncé, le 18 février 2025, la cession de l’ensemble de ses actifs au Burkina Faso à Coris Investment Group, détenu par l’homme d’affaires burkinabè Idrissa Nassa. Cette transaction, confirmée par Badara Mbacké, responsable du développement commercial pour l’Afrique de l’Ouest de TotalÉnergies, a été dévoilée lors d’une rencontre avec Serge Gnaniodem Poda, ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat du Burkina Faso.
Un retrait stratégique de TotalÉnergies

Cette cession s’inscrit dans une dynamique plus large amorcée par TotalÉnergies en Afrique de l’Ouest, après des ventes similaires au Mali et au Niger. Officiellement, le géant pétrolier met en avant une réorganisation de ses actifs et une rationalisation de son portefeuille en fonction des réalités économiques et politiques des pays où il opère. Cependant, ce départ soulève plusieurs interrogations quant à ses motivations réelles.
Dans un contexte de remise en cause des influences économiques occidentales en Afrique francophone, TotalÉnergies, souvent perçu comme un bras financier de la présence française, semble anticiper une évolution inéluctable du marché énergétique régional. Vendre des actifs pourtant rentables peut difficilement s’expliquer autrement que par une stratégie d’évitement, alors que plusieurs États sahéliens adoptent des politiques de souveraineté économique plus affirmées.
Coris Investment Group, un acteur clé de la souveraineté économique burkinabè

L’entrée de Coris Investment Group dans le secteur des hydrocarbures constitue une avancée majeure pour l’économie burkinabè. Fondé par Idrissa Nassa, ce conglomérat financier et industriel s’est imposé comme un acteur central du développement économique national, notamment à travers Coris Bank International, une des principales institutions bancaires de la région.
En reprenant les actifs de TotalÉnergies, Coris Investment Group pourrait non seulement renforcer le contrôle national sur le secteur des hydrocarbures, mais aussi optimiser l’approvisionnement énergétique en fonction des intérêts burkinabè. Reste à savoir si cette transition garantira des prix compétitifs et une gestion efficace des infrastructures.
Un signal fort pour l’Afrique de l’Ouest

Le retrait de TotalÉnergies du Burkina Faso, après ceux du Mali et du Niger, traduit une mutation plus profonde dans les équilibres économiques de la région. La montée en puissance d’acteurs économiques africains, capables de reprendre des actifs stratégiques autrefois contrôlés par des multinationales occidentales, illustre un virage vers plus d’autonomie et de contrôle des ressources locales.
Toutefois, cette transition ne sera pas sans défis. Coris Investment Group devra prouver sa capacité à gérer ces actifs stratégiques avec la même efficacité qu’une multinationale, tout en répondant aux attentes des consommateurs burkinabè en matière de prix, de qualité et de disponibilité des produits pétroliers.
L’opération marque donc une étape clé dans la redéfinition des rapports de force économiques en Afrique de l’Ouest, avec en toile de fond une question fondamentale : l’émancipation économique des États sahéliens est-elle en marche ?