De l’ombre à la lumière : l’ascension de Laurent-Désiré Kabila
Lorsque Laurent-Désiré Kabila s’empare du pouvoir en mai 1997, mettant fin au règne de Mobutu Sese Seko, le monde assiste à une victoire éclatante de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL). Mais derrière cette épopée militaire se cache une stratégie méthodique, pilotée depuis Kigali et Kampala, et exécutée par un homme-clé : James Kabarebe.
Officier rwandais de haut rang, Kabarebe n’est pas un simple allié de Kabila. Il est son véritable maître d’armes, agissant sous les ordres directs du président rwandais Paul Kagame et de son homologue ougandais Yoweri Museveni. Sa mission ? Faire de Kabila un président docile, garant des intérêts rwandais et ougandais sur le sol congolais.
L’architecture d’une prise de pouvoir téléguidée

En 1996, alors que Mobutu est déjà affaibli par la maladie et l’usure du pouvoir, Kagame et Museveni voient une opportunité historique d’étendre leur influence à l’est du Congo, où les conflits ethniques et la prolifération des milices hutu génocidaires menacent la sécurité du Rwanda.
Kagame et Museveni financent, arment et conseillent Kabila, un vieux révolutionnaire en exil, peu connu et à la légitimité discutable.
James Kabarebe est chargé de superviser l’opération militaire :
Il coordonne l’entraînement des troupes de l’AFDL, largement composées de soldats rwandais et ougandais.
Il dirige les offensives stratégiques contre les forces de Mobutu, depuis Goma jusqu’à Kinshasa.
Il s’impose comme chef d’état-major des Forces armées congolaises après la victoire.
En réalité, Kabila n’est que le pantin d’un jeu géopolitique bien plus vaste, où Kabarebe agit comme le véritable chef militaire du pays.
Le prix du pouvoir : une alliance mortelle

Dès son arrivée au pouvoir, Kabila réalise l’ampleur de sa dépendance. Le Congo est contrôlé par des forces étrangères, ses généraux sont rwandais, et Kigali dicte sa politique sécuritaire.
Mais très vite, l’alliance se fissure. Kabila, encouragé par des nationalistes congolais, tente de s’émanciper de la tutelle rwandaise et ordonne l’expulsion des troupes étrangères en 1998. C’est un acte de rupture qui lui sera fatal.
James Kabarebe, fidèle à Kagame, retourne sa veste. Il mène une nouvelle offensive pour renverser Kabila, déclenchant la Seconde Guerre du Congo (1998-2003), qui verra s’affronter plusieurs puissances africaines sur le sol congolais.
Assassinat et chaos : l’héritage de l’influence rwandaise

Acculé, Kabila ne survivra pas longtemps. Le 16 janvier 2001, il est assassiné dans son palais par un de ses gardes du corps, Rashidi Kasereka. Officiellement, il s’agit d’un coup isolé. Mais pour de nombreux analystes, cette exécution porte les marques d’une vengeance rwandaise, orchestrée par ceux qui l’avaient placé sur le trône.
Son fils, Joseph Kabila, prendra les rênes du pays, rétablissant un équilibre fragile avec Kigali. Quant à James Kabarebe, il retournera au Rwanda où il deviendra ministre de la Défense et principal architecte de la politique sécuritaire de Kagame.
Une histoire qui se répète ?

Plus de deux décennies après ces événements, le spectre de Kabarebe et de la tutelle rwandaise plane toujours sur l’est du Congo. Le M23, rébellion soutenue par Kigali, rappelle que l’influence rwandaise n’a jamais cessé.
Alors que les Congolais tentent encore de se libérer de l’ingérence étrangère, une question demeure : le pays pourra-t-il un jour échapper aux jeux d’influence qui l’ont condamné à la guerre depuis plus de 30 ans ?
Une chose est sûre : l’ombre de James Kabarebe n’a pas fini de hanter l’histoire congolaise.