Depuis sa création en 1945, l’Organisation des Nations unies (ONU) demeure le principal cadre multilatéral de résolution des conflits et de maintien de la paix. Pourtant, près de huit décennies plus tard, le système hérité de l’après-guerre apparaît de plus en plus anachronique face aux nouvelles réalités géopolitiques. Le Conseil de sécurité, organe décisionnel clé de l’ONU, cristallise les critiques : déséquilibre des pouvoirs, droit de veto paralysant, et une représentativité qui ne reflète plus la répartition actuelle des forces mondiales.

Face à la montée en puissance des économies émergentes, aux défis transnationaux tels que le changement climatique, le terrorisme ou les pandémies, la nécessité d’une réforme profonde s’impose. Mais les cinq membres permanents (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni) sont-ils prêts à céder du pouvoir pour une gouvernance plus équitable ?
Le veto, un outil de blocage plus que de régulationL’un des principaux obstacles à une ONU plus efficace réside dans l’usage du droit de veto par les cinq membres permanents. Ce privilège, conçu à l’origine pour éviter un affrontement direct entre grandes puissances, est aujourd’hui largement instrumentalisé au profit d’intérêts nationaux.
Les exemples abondent :L’impasse sur la guerre en Syrie, où les vetos russes et chinois ont bloqué toute résolution forte contre le régime de Bachar el-Assad.
L’incapacité à agir efficacement en Ukraine en raison des vetos successifs de Moscou.
L’inaction face aux conflits en Palestine, où Washington protège systématiquement Israël.
Ce mécanisme entrave l’action collective et discrédite l’ONU aux yeux de nombreux États, notamment africains et latino-américains, qui dénoncent une gouvernance biaisée au profit des puissances historiques.
Un Conseil de sécurité trop occidental et dépassé

Au-delà du veto, c’est la composition même du Conseil qui pose problème. Actuellement, seuls cinq sièges non permanents sont attribués à l’Afrique et à l’Amérique latine, alors que ces régions regroupent plus d’un tiers de la population mondiale. Aucun État africain ou latino-américain n’a de statut permanent, alors que des puissances régionales comme le Brésil, l’Afrique du Sud, le Nigeria ou l’Inde revendiquent légitimement un rôle accru.
Dans ce contexte, plusieurs propositions de réforme émergent :1. Élargir le nombre de membres permanents en y intégrant des puissances émergentes.
Limiter le droit de veto ou exiger une double approbation (par exemple, un soutien d’un certain nombre de membres non permanents).
Rendre les sièges permanents rotatifs, garantissant une meilleure représentativité des continents.
Un blocage géopolitique persistant

Si le consensus sur la nécessité d’une réforme est large, sa mise en œuvre se heurte à une résistance féroce des membres actuels. Les États-Unis, la Russie et la Chine défendent jalousement leur prérogative de veto, tandis que la France et le Royaume-Uni, bien que favorables à une réforme sur le principe, hésitent à voir leur influence diluée.
De son côté, l’Union africaine plaide pour l’octroi d’au moins deux sièges permanents au continent, tandis que l’Inde et le Brésil revendiquent également leur place. En 2005, le projet G4 (Allemagne, Inde, Japon, Brésil) avait tenté de pousser une réforme ambitieuse, mais s’était heurté au mur des intérêts des membres permanents.
L’ONU à un tournantL’inaction prolongée risque de fragiliser l’ONU et d’encourager la prolifération d’alliances alternatives comme les BRICS, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ou d’autres mécanismes régionaux de sécurité. Le risque ? Une érosion progressive du multilatéralisme et un monde où les rapports de force priment sur la diplomatie.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, l’a lui-même admis : « Le Conseil de sécurité ne reflète plus les réalités du monde d’aujourd’hui. » Mais sans un sursaut politique des grandes puissances, cette institution censée garantir la paix mondiale risque de devenir une simple chambre d’enregistrement des rapports de force du XXIe siècle.