Légalité des ONG au Cameroun : Le cas de Redhac
Contexte juridique des ONG au Cameroun
Au Cameroun, la légalité des ONG est encadrée par la « LOI N° 99/014 DU 22 DÉCEMBRE 1999 ». Cette législation impose des normes strictes autour de la transparence et de la conformité. Elle requiert que les ONG tiennent un registre de leurs recettes et dépenses. De plus, elles doivent remettre leurs rapports financiers au ministre de l’Administration Territoriale dans les 60 jours suivant la clôture des comptes (Article 15). En cas de manquement, une ONG peut être suspendue pour une durée maximale de trois mois (Article 22). Bien que cette loi cherche à réglementer les actions des ONG, elle soulève des inquiétudes quant à son potentiel à restreindre la liberté d’association.
Le 6 décembre 2024, la suspension du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac) par le ministre Paul Atanga Nji a provoqué un tollé. Le ministre a évoqué des accusations de « financements illicites » et de « non-respect des dispositions légales ». Toutefois, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a rétorqué, déplorant le manque de preuves concrètes à l’appui de ces allégations. La suspension a alors été perçue comme une tentative de délégitimer les efforts de Redhac.
Cette situation révèle des tensions inhérentes entre la nécessité d’un cadre régulateur pour les ONG et le risque d’abus de pouvoir de la part des autorités. Les ONG, surtout celles qui œuvrent pour la défense des droits humains, se retrouvent souvent dans une position vulnérable, où leur légitimité est fréquemment contestée par des accusations sans fondement, ce qui peut gravement entraver leur fonctionnement.
Les accusations contre Redhac : Une analyse critique
Les accusations de « financements illicites » portées contre Redhac sont préoccupantes. D’après le ministre, l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF) aurait relevé des anomalies financières, signalant un décalage notable entre les fonds perçus et les activités réalisées. En revanche, la présidente de Redhac, Alice Nkom, a vigoureusement contesté ces allégations, affirmant que l’organisation obtient ses ressources via des partenariats légitimes en accord avec les lois internationales.
La FIDH et d’autres entités de défense des droits humains critiquent ces accusations, les qualifiant de sans fondement et la suspension de Redhac d’une atteinte directe à la liberté d’association. En effet, l’article 13 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme garantit aux ONG le droit d’accéder à des financements sans subir d’intimidation. Ainsi, la suspension de Redhac pourrait être interprétée comme une mesure punitive, cherchant à restreindre l’espace d’action des ONG critiques à l’approche des élections présidentielles de 2025.
Les réactions face à cette décision ont été multiples, avec des personnalités politiques et des défenseurs des droits humains réclamant la levée immédiate de la suspension. Ce climat d’intimidation envers les ONG soulève des questions cruciales sur la qualité de la démocratie et le respect des droits humains au Cameroun.
Implications et perspectives d’avenir
La suspension de Redhac s’inscrit dans une tendance inquiétante de restrictions visant les organisations de la société civile au Cameroun. De nombreuses ONG ont été suspendues ou dissoutes récemment, soulevant de vives préoccupations quant à l’état de la démocratie et des droits humains. Les critiques insistent sur l’urgence de créer un environnement propice à la protection des défenseurs des droits humains, comme l’a souligné le Comité des Nations unies contre la torture.
Les conséquences de cette situation peuvent être profondes. D’une part, la suspension pourrait dissuader d’autres ONG de poursuivre leurs activités, entraînant ainsi une autocensure par peur de représailles. D’autre part, elle pourrait également galvaniser la société civile, incitant les citoyens à revendiquer leurs droits. La résistance affichée par Redhac, grâce à la détermination de ses dirigeants à contester la suspension, pourrait devenir un moteur pour un mouvement plus vaste en faveur des droits humains au Cameroun.
À l’aube des élections de 2025, il est essentiel que la société civile, les partis politiques et la communauté internationale se rassemblent pour défendre la liberté d’association. Il est impératif que les ONG soient en mesure d’opérer sans crainte de répression. Cette situation soulève des questions fondamentales sur la légitimité de l’État de droit au Cameroun et sur la capacité des citoyens à exercer leurs droits fondamentaux.