En cette période de Ramadan, les habitants de Bangui, la capitale de la Centrafrique, sont confrontés à un double défi : maintenir leur foi dans des conditions difficiles et lutter contre l’inflation alimentaire qui frappe le pays. Cette situation met à mal leur capacité à s’approvisionner en nourriture pour l’Iftar, le repas de rupture du jeûne du Ramadan.
D’un côté, l’épreuve de la foi est évidente. Le Ramadan est un mois de jeûne, de prière et de contemplation pour les musulmans du monde entier. Mais dans le contexte instable de la Centrafrique, avec une situation sécuritaire précaire, la pratique religieuse devient un défi quotidien. S’ajoute à cela la précarité économique qui affecte une large partie de la population, évaluée à plus de 4.7 millions d’habitants en 2021.
De l’autre côté, l’inflation alimentaire, exacerbée par la pandémie COVID-19, a connu ces derniers mois une hausse importante. D’après le Fonds Monétaire International (FMI), le taux d’inflation annuel moyen en Centrafrique était de 3.2% en 2020, avec une forte augmentation des prix des denrées alimentaires.
Selon les observateurs locaux, le coût de l’alimentation a augmenté d’au moins 25% depuis le début de l’année 2021. Un sac de riz, de base alimentaire dans le pays, qui coûtait environ 18 000 Francs CFA (27 euros) en janvier est passé à plus de 22 500 Francs CFA (34 euros) en avril.
Ces augmentations de prix ont des conséquences désastreuses pour les populations à faible revenu, en particulier pendant le Ramadan, période durant laquelle la demande alimentaire augmente traditionnellement. La Banque Mondiale estime que plus de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 1,90 dollar par jour.
Les causes de cette inflation sont multiples. La pandémie de COVID-19 a contribué à une perturbation massive de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Les mesures de confinement, les restrictions sur le commerce et les mouvements de population, que beaucoup de pays ont mises en place pour endiguer la propagation du virus, ont considérablement ralenti l’importation des biens de consommation courante, dont alimentaire.
De plus, la Centrafrique, qui importe environ 50% de sa consommation alimentaire selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), est également affectée par les conflits armés internes. Ces tensions politiques et militaires ont eu un impact négatif sur la production locale et l’acheminement des biens alimentaires.
Face à cette situation, les habitants de Bangui doivent se montrer créatifs pour surmonter ces défis. Certains ont revu à la baisse la quantité de nourriture consommée lors de l’Iftar. D’autres se sont tournées vers les produits locaux, moins chers mais aussi moins disponibles en raison des conflits.
La problématique du Ramadan en Centrafrique est donc bien plus complexe qu’une simple question de foi. C’est un exemple concret des défis que pose la conjoncture mondiale actuelle : instabilité politique, précarité économique, pandémie et inflation. Une réalité amère pour les habitants de Bangui, pour qui le mois de piété et de partage se transforme en lutte pour la survie.